X - Essai sur l'absence de chartes de donation

Essai sur l'absence "totale " de chartes de donation concernant les Hospitaliers et le Templiers en Basse-Bretagne

Extrait de mon article dans le bulletin de l'Association Bretonne (suite au congrès annuel des 25 et 26 juin 2016 à Lannion)

L’on constate une absence « totale » de chartes de donations authentiques concernant les templiers et les hospitaliers en Basse-Bretagne. Ce qui n’est pas le cas sur le reste du territoire constitué par la France actuelle. Ce fait impose une réflexion.

Les très rares chartes de donations découvertes, faites aux templiers et aux hospitaliers en Bretagne, ne concernent que les marches de la Bretagne avec la France (Temple de la Guerche, Temple de Vitré, Nantes, commanderies de Saint-Jean et Sainte-Catherine, commanderie de Clisson, Temple des Biais à Saint-Père-en-Retz). Seule[1] existe la charte de Pierre Mauclerc de 1217 (qui ne concerne que les hospites que les frères [les templiers] demandaient dans certaines de nos villes [soit seulement 6 villes]… que nous voulons concéder aux dits frères).

Si l’on considère la Commanderie de La Feuillée, en Basse-Bretagne, à compter du XVIe siècle elle s’étend sur trois départements bretons (190 km de l’ouest à l’est et 160 km du nord au sud) et six évêchés se partagent son territoire ; ses biens fonciers sur cette étendue peuvent être considérés comme importants et comportent, au XVIIe siècle 736 fermes, 600 rentes diverses, 13 églises, 24 chapelles, 15 moulins et 3 manoirs. Et pourtant il n’a été découvert aucune charte de donation. Les archives documentaires la concernant sont relativement abondantes à compter du XVe siècle dans les différents départements où elle s’étendait, ainsi qu’à Rennes (les procédures la concernant étant traitées au Parlement de Bretagne à Rennes), à Nantes où remontent ses aveux faits au duc de Bretagne, à Poitiers où se trouve le prieuré d’Aquitaine dont elle dépend. On ne peut donc mettre en cause ni la guerre de la Ligue en Bretagne, ni la période révolutionnaire. Et ce d’autant plus que dans l’inventaire des archives de la Feuillée réalisé au début du XVIIIe siècle il n’en subsiste aucune mention. On ne peut non plus mettre en cause une spécificité de l’ancienne coutume de Bretagne, les cartulaires étant relativement fréquents pour les différentes abbayes environnantes (cistercienne de Bégard, prémontrés de Beauport…).

D’ailleurs à compter du XVe siècle, lors des procédures pour justifier leurs bons droits les hospitaliers mettront toujours en avant les chartes de Conan IV et jamais un quelconque acte de donation autre.

Il semble donc que l’on soit dans l’obligation de mettre en cause une disparition « volontaire » des chartes de donations concernant tant les templiers que les hospitaliers pour la Basse-Bretagne.

Pour que cette destruction puisse être totale il était indispensable que toutes les archives soient réunies. Ce ne pouvait donc être qu’après la dévolution des biens des templiers aux hospitaliers. Mais en 1313 la Basse-Bretagne comportait plusieurs commanderies avec des commandeurs différents. Ce ne sera qu’à partir de la fin du XVIe siècle qu’elles seront toutes réunies avec un seul commandeur.

Cependant au milieu du XVe siècle, à la suite du décès, en 1449, du commandeur de la Feuillée Pierre de Keramborgne, Alain de Boiséon, alors commandeur de Pont-Melvez, se voit également attribuer la Commanderie de la Feuillée. Il avait donc la mainmise sur l’ensemble des commanderies de Basse-Bretagne.

Or c’est ce même Alain de Boiséon qui obtiendra en novembre 1451 une charte de confirmation du duc de Bretagne Pierre II. Cette charte reprend textuellement les chartes de Conan IV de 1160 et de 1182 et constitue la plus ancienne version connue de la dite charte de 1182.

Elle reprend en outre :

la charte de 1141 de Conan III, fils d’Alain IV, qui fait don aux Templiers de l’île de la Hanne (aujourd’hui prairie des Mauves en Nantes) et un emplacement à Nantes pour y construire une maison ;

    • la charte de 1201 de Constance (mère de Pierre de Dreux) qui confirme tous les dons faits aux Templiers par son arrière-grand-père Conan III ;

    • la charte de 1217 de Pierre de Dreux ;

    • la charte de 1246 de Jean I (elle ne concerne pas la Basse-Bretagne).

      • Ayant une charte qui récapitule toutes les possessions des Hospitaliers (sans détails ni précision), s’étant par ce biais mis sous la protection des ducs de Bretagne, il est imaginable, mais plus que douteux, qu’Alain de Boiséon n’ait plus jugé utile de conserver dans ses archives les diverses chartes de donations.

      • Je privilégie de ce fait la deuxième hypothèse suivante. Les différents actes de l’époque, conservés aux archives des Côtes-d’Armor, apportent la preuve qu’Alain de Boiséon résidait de préférence dans sa commanderie de Pont-Melvez, commanderie qu’il avait obtenue en 1447. Il est alors logique de penser qu’il avait regroupé toutes ses archives en ce lieu où elles auraient pu être détruites accidentellement. Ce qui aurait justifié de sa part l’obtention de Pierre II[2] d’une charte confirmative récapitulative.


2. On peut cependant citer à titre quasi anecdotique le testament de Geoffroi Tournemine, daté de 1264, dans lequel il cède aux templiers une cuirasse et des jambières (cartulaire de l’abbaye de Saint-Aubin-des-Bois, cité par Geslin de Bourgogne et A. De Barthélemy dans Les anciens évêchés de Bretagne).

3. À noter qu’Alain de Boiséon était très bien introduit auprès du duc de Bretagne, son frère aîné Guillaume étant chambellan du duc ; par ailleurs il fut également un protégé des papes et ce même lors de ses démêlés avec le grand maître de l’Ordre (voir la biographie d’Alain de Boiséon dans l’ouvrage d’Yves Le Moullec, Le Palacret histoire d’une commanderie en Basse-Bretagne ou à l’adresse suivante https://sites.google.com/a/palacret.com/palacret/histoire-d-une-commanderie/2c--les-commandeurs-batisseurs/6---alain-de-boiseon ).