Avant Propos

Situé en Bretagne, dans les Côtes d’Armor, sur le territoire de la commune de Saint Laurent, le Palacret, depuis mon enfance m’a toujours fasciné ; grande était mon attirance pour ce lieu grandiose où habitaient mes grands parents paternels ; lieu gigantesque pour mes yeux d’enfants avec ses bois, sa rivière au fond dune petite vallée encaissée, le moulin avec ses deux roues à aubes et toutes ses machines réputées dangereuses qu’il fallait regarder de loin, la chute d’eau, ses multiples bâtiments, la ferme avec ses animaux et surtout les chevaux et la voiture à cheval du grand père. Toute la foule des ouvriers teilleurs de lin et des journaliers ; Et bien sur mon grand père « tad coz » avec sa grosse moustache et ma grand mère « mémé » grande dame un peu distante que l’on vouvoyait.

D’après notre histoire familiale moi, mes sœurs et frère serions la quatrième génération à avoir vécu, tout au moins une partie de notre enfance, sur le site du Palacret. En effet notre arrière grand-père paternel Jean Marie Le Moullec aurait quitté Plouec, son village natal, et se serait installé sur ce site, dans le dernier quart du dix-neuvième siècle, afin de fuir la conscription militaire.

Tout au cours de mon enfance sur ce site s’est développé mon désir, mon envie de comprendre, d’en savoir plus sur ces mystérieux Templiers qui auraient, il y a longtemps, occupé ces lieux ; ces moines qui auraient été à l’origine d’histoires locales que mes jeunes oreilles captaient au hasard des conversations des adultes, plus rarement dans les histoires que nous racontaient mes grands-parents ou parents. Revenaient souvent les expressions : moines rouges, moines soldats, droits de cuissage, souterrain entre le Palacret et le bourg de Saint Laurent, le mystérieux ermite, la léproserie du Fot …

Les années passèrent, mes questions restaient toujours sans réponse. A part les ouvrages généraux sur les Templiers (ou les Hospitaliers dont j’ignorais tout) il n’existait (à ma connaissance) aucun ouvrage relevant d’une étude sur la commanderie du Palacret. J’attendis la fin de l’année 2010 pour, enfin, tenter sérieusement d’assouvir ma curiosité sur le Palacret.

Je n’avais aucune expérience quant à la façon d’engager une recherche historique et j’ignorais donc totalement si j’allais aboutir et si même existait la matière c'est-à-dire la documentation, les archives, qui me permettraient de comprendre un peu mieux la vie de ce site.

Jusqu’à quelle époque allais- je pouvoir remonter ? Où chercher ? Comment faire, que chercher ?

Dans la littérature : beaucoup d’ouvrages ont été écrits depuis le dix-neuvième siècle sur les Ordres militaires surtout les Templiers et les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem .

Mais en ce qui concerne le Palacret il n’y a presque rien.

    • Guillotin de Corson a bien écrit en 1902 les Templiers et Hospitaliers en Bretagne ; mais le premier constat est que l’on y trouve peu de données sur le Palacret.

    • Diverses informations sont accessibles sur Internet mais il apparaît de façon évidente que presque toutes ont utilisé les mêmes sources car elles répètent les mêmes erreurs.

    • Un mémoire de maitrise à été produit à Rennes, en 1968, par Micheline Huvet et Emmanuelle Jolif « trois commanderies de l’ordre de Malte en Basse Bretagne aux 17 ème et 18 ème siècles : Pont Melvez, Mael-Louch, Palacret. Aspect économique et social »

Dès le début je décidais donc de partir de zéro, de tout mettre à plat, de ne prendre en compte que les affirmations pour lesquelles j’étais en mesure de retrouver les sources premières ou les données des époques qui les avaient induites.

Notamment je décidais de ne pas me fier aux données que je pouvais trouver sur les sites Internet qui avaient mis en ligne différentes informations concernant la commanderie du Palacret. J’avais très vite découvert que tous s’appuyaient sur la seule et même source à savoir l’ouvrage de Amédée Guillotin de Corson « les Templiers et les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem en Bretagne – Edition Durance, Nantes 1902 » ; et ce en omettant fréquemment de citer leur source et ce même en cas de recopies mot à mot. ces reprises successives, à différents niveaux, conduisaient à des déformations ou même des interprétations erronées.

Et ce d’autant plus que cette source unique : l’ouvrage de Guillotin de Corson (même si elle contient de nombreuses informations sur ces deux Ordres religieux en Bretagne) comporte des erreurs flagrantes en ce qui concerne le Palacret (dans son ouvrage cet auteur le situe sur la rivière Le Trieux au lieu du Jaudy ; mentionne que la chapelle est détruite de fond en comble en 1902 ce qui n’est pas le cas ; fait une transcription fautive de la visite de 1617 "3H1 464" archives de la Vienne quant à la succession des cours du manoir et de la chapelle … ; il s’appuie sur divers auteurs dont il utilise des éléments, comportant aussi des erreurs, sans les avoir vérifiés (1) ; et dernier élément que je noterais ici il ne s’appuie que sur les archives de la Vienne ; archives extrêmement limitées et parcellaires en ce qui concerne le Palacret si on les compare aux archives des Côtes d’Armor sur ce même sujet.

Je ne puis m’empêcher d’indiquer en quelques lignes le résultat de mes recherches pour bâtir l’arbre généalogique ascendant de mes ancêtres Le Moullec car il m’a conforté dans le choix que j’avais fait dès le début de mon enquête à savoir de tout remettre à plat et de tout vérifier.

Afin de retrouver la succession des différents propriétaires du Palacret il me fallut approfondir la vie de Jean Marie le Moullec qui fut, ainsi que je l’ai indiqué ci-dessus, le premier Le Moullec à s’installer au Palacret ; j’ai rapidement découvert que la légende d’un arrière grand père « insoumis ou déserteur » était fausse ; grâce à la mise en ligne des archives du journal Ouest Eclair je découvrais qu’il n’avait pas échappé à la conscription et avait même reçu la médaille commémorative pour sa participation à la campagne 1870-1871 (2).

ENQUETE POUR LA RECONSTITUTION DU PALACRET

Le travail réalisé va au bout de quelques temps me faire découvrir qu’il y a lieu de mettre en avant deux grandes périodes dans la vie de ce site.

Du Moyen-âge à la révolution de 1789, période pendant laquelle ce site porte le nom de commanderie du Palacret et que sa vie se confond essentiellement avec celle de l’Ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. De la révolution de 1789 à 2001 période pendant laquelle la vie de ce site est rythmée par l’existence du moulin du Palacret.

Je souhaite dans le présent opuscule tenter de relater le cheminement et les étapes qui m’ont permis de reconstituer le Palacret pour ces deux périodes. Cependant je me suis principalement attaché à l’étude du Palacret sous l’Ancien Régime qui en est la période la moins bien connue.

Mon premier objectif étant la reconstitution de son aspect matériel mais très vite les objectifs s’orientèrent vers la volonté :

    • de comprendre et d’expliquer ce que recouvrait le terme commanderie en Bretagne ;

    • de comprendre son rôle économique, social, juridique ;

    • de comprendre l’administration et la gestion d’une commanderie.

RECONSTITUTION DU PALACRET AU FIL DU TEMPS , DE LA REVOLUTION DE 1789 A 2001

Par où et comment amorcer mon enquête ?

Elle débute par le recensement des papiers familiaux , la lecture de tous les actes notariés conservés au fil des décès , héritages , rangements .

Le premier document qui me servit de point de départ est l’acte de cession , en date du 2 février 1913 , à Jean François Marie Le Moullec par Jeanne Marie et Adèle Riou de la part leur revenant dans la succession de Louise le Corre , leur mère à tous trois ; ce document mentionne l’origine du bien « un certain René Marie Geffroy et maître Monfort notaire à Kermoroch . » (3 )

Malheureusement au niveau des archives familiales j’étais déjà en butée ; mais ce premier indice allait me permettre d’amorcer mes recherches dans les archives des notaires et de remonter , petit pas par petit pas, le fil du temps .

Mes recherches vont alors se dérouler aux archives départementales des Côtes d’Armor , dans la série E . Ces archives notariales vont s’avérer relativement complètes ,en ce qui concernent ce site , sur l’ensemble du dix-neuvième siècle .

Cependant le fil se casse le 2 mai 1812 quand Jean Marie Fleuriot achète le moulin du Palacret à Jean Le Guyader , notaire à Pédernec : le document de vente ne précisant pas l’origine de ce bien avant Jean Le Guyader(4) .

Il me faut donc rechercher d’autres pistes .

La découverte dans les archives familiales d’un parchemin datant de 1730, acte entre la juridiction du Palacret représentée par messire Ourze Victor de Tambonneau commandeur de la commanderie du Palacret chevalier de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem et une dame de Murado me conforte dans le fait de l’existence sur le site du Palacret de l’ordre religieux des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem .

Mes recherches s’orientent alors vers les biens du clergé saisis par l’Assemblée Constituante en 1789 ; et là, intervient le fait que je sois un néophyte , n’ayant que des restes de connaissances scolaires en histoire .

La lecture du registre des biens saisis dans l’arrondissement de Guingamp ne me révèle rien en ce qui concerne la commune de Saint Laurent . Un mois plus tard , toujours convaincu qu’il s’agissait de biens appartenant à un Ordre religieux , je me replonge à nouveau dans les registres des biens saisis en 1789 . Je découvre ainsi que ces biens étaient répartis en biens dits de première origine ou biens du clergé et en biens de deuxième origine ou biens des nobles et émigrés ;or je n’avais initialement vu que le registre des biens de seconde origine et donc, bien sûr ,il n’y avait rien concernant le Palacret ; qui plus est , sur le registre des biens de première origine, je faillis ne rien relever car par la même occasion , je découvrais que Saint Laurent avait été débaptisé et renommé Brolan .

Je notais alors les mentions de la vente de la chapelle du Palacret , puis celle de la vente du manoir du Palacret et enfin celle de la vente du moulin du Palacret . L’autre bout du fil était retrouvé et il allait me permettre de découvrir quantités d’informations inédites sur le Palacret .

La recherche et les découvertes s’étaient faites en remontant le fil du temps , du présent vers le passé

Cependant , pour ce qui me semble une meilleure compréhension , je vais vous présenter les éléments selon une approche chronologique .

ANNEXES

R1

- auteurs et ouvrages cités dont un extrait a été utilisé par Guillotin de Corson dans son ouvrage « les Templiers et les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem en Bretagne – Edition Durance , Nantes 1902; » :

· J. Gaulthier du Mottay « répertoire archéologique du département des Côtes du Nord - St Brieuc imprimerie – librairie – lithographie L. Prud’homme -1883

· B. Jollivet – Les Côtes du Nord histoire et géographie de toutes les villes et communes du département – tome III – 1856

· A. de Barthelemy – tome XXXIII de la bibliothèque de l’école des chartes

R2

- le journal Ouest Eclair du 23 mai 1914 mentionne « par décision de M. le ministre de la guerre , les anciens militaires dont les noms suivent viennent d’obtenir le brevet de la médaille commémorative de la campagne 1870 – 1871 : …. Jean -Marie Le Moullec de Saint Laurent …. » .

Une étude plus approfondie de sa vie , et cela était sans doute moins glorieux ou romantique , m’a conduit à la conclusion que son arrivée au Palacret en 1881 fut plus surement un mariage arrangé entre Louise Le Corre , jeune veuve , avec 4 enfants , et propriétaire du teillage de lin du Palacret et un jeune célibataire , teilleur de lin, originaire de Plouec et qui ,à cette même époque , tentait une diversification dans l’exploitation d’une ferme à Ploezal avec son frère Jean .

R3

-archives personnelles : acte de cession fait le 2 février 1913 en l'étude de Maitre Monfort notaire à Kermoroch

Le 27 septembre 1881 Jean Marie Le Moullec épouse à Saint Laurent louise Le Corre (veuve de Allain Riou ) .

Jean Marie Le Moullec teilleur de lin ,cultivateur est né à Plouec Le 29 mai 1845 ; fils de Jean Marie Le Moullec et de Françoise Hamon .

Louise Le Corre , ménagère , née le 7 juillet 1844 à Saint Clet ; fille de père inconnu et de Elaine Le Corre .