2E- Rôle économique et social de la commanderie

2E1 - La quévaise 

Fin du régime de la quévaise: Yves Le Moullec, Abolition de la quévaise au cours de la période révolutionnaire de 1789- rôle majeur joué par Jean-Marize Baudouin de Maison-Blanche, membre de la commission féodale, Bulletin ARSSAT 2023, pp 183-196.

Article enrichi  en mars 2024 de compléments apportés par Yves Le Moullec notamment  pour les biens de l'Ordre de Malte un début de remplacement du régime de la quévaise par les règles du domaine congéable .



 Abolition de la quévaise au cours de la période révolutionnaire de 1789.

Rôle majeur joué par Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche, avocat, député de Lannion et Morlaix, membre de la commission féodale.

 

La quévaise

Le sujet développé dans le présent mémoire a trait au régime de la quévaise aussi il parait utile de  préciser quels furent  les principales spécificités de ce régime d’exploitation des terres. Ce régime ne fut appliqué qu’en Basse-Bretagne et ne concerna que les biens fonciers de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, probablement également ceux des Templiers, ceux des Cisterciens de l’abbaye de Bégard et ceux de l’abbaye du Relec[1].

A l’origine, probablement au XIIe siècle, la quévaise fut instituée par des ordres religieux qui souhaitaient attirer des hommes pour défricher, mettre en valeur, puis exploiter des terres inoccupées. Pour attirer les défricheurs, il était nécessaire de leur proposer un contrat avantageux : mise à disposition d’un courtil et d’un journal de terre  leur permettant de subvenir à leur besoins pendant qu’ils défrichaient de nouvelles terres (exempts de la dîme ecclésiastique comme pour toutes les terres des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem), avec une concession perpétuelle sauf en cas de décès sans héritier en ligne directe.

Les plus anciennes mentions permettant de comprendre ce que fut la quévaise primitive datent  du mémoire que Pierre de Kéramborgne, commandeur de la Feuillée/Le Palacret, produisit lors du procès qu’il intenta contre Charles du Vieux-Chatel en 1443[2]. Ci-après sont mentionnés  les éléments des règles de la quévaise primitive qu’il est possible d’extraire des divers documents présentés lors de  ce procès :

·       Si le tenant de la quévaise décède sans héritier de son corps la quévaise revient au commandeur. Les héritiers du décédé, sans héritiers de son corps, ne prennent rien de la quévaise ni des édifices qui y sont.

Pour autant jusqu’en 1659 il n’existera aucun  document compilant les règles de la quévaise  seules émergent les procédures intentées par les commandeurs ou abbés contre leurs quévaisiers qui ne les respecteraient pas ou les procédures intentées par les quévaisiers  qui contestent les règles que leurs  appliquent les commandeurs  ou abbés ; les conclusions de ces procès faisant jurisprudence. Il semble que Pierre Hévin fut le premier jurisconsulte à inscrire les règles de la quévaise dans La coutume générale de Bretagne. Cette édition, datée de 1659, utilise un arrêt du Parlement de Bretagne du 11 octobre 1568 relatif à un conflit entre Louis Le Bouteiller, abbé du Relec, et un groupe de quévaisiers. Les différentes éditions de La coutume de Bretagne qui suivront jusqu’à la fin du XVIIIe siècle reprendront cette même version.

 

Les soubresauts de l’usement de  quévaise de la fin du XIVe siècle aux prémices de la révolution de 1789

 

La quévaise parait particulièrement adaptée dans ses premiers siècles sur un territoire où les surfaces en friches sont relativement abondantes. En effet l’attribution de la quévaise  au plus jeune des enfants lors du décès du possesseur est favorable à l’extension des terres cultivables. En conséquence l’ainé sachant qu’il n’en héritera pas va solliciter le  commandeur ou abbé pour se voir attribuer une autre quévaise ; à charge pour cet ainé de défricher d’autres terres faisant partie des terres communes. Cependant il est certain qu’au bout de quelques siècles les terres en friches se sont réduites ou  même n’existent plus.

En prenant en exemple l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem on perçoit ce problème lors du procès engagé, en 1443, par Pierre de Kéramborgne contre Charles du  Vieux-Chatel  qui a fait l’acquisition de deux quévaises  alors que la règle ne permet pas d’en posséder plus d’une. Dans son  rapport le commandeur décrit le processus de dérive : Les quévaisiers continuèrent à faire des gaigneries[5] sur les terres frostes[6] soumises à la dîme[7]. Et suite à accord entre eux, ils firent ces récoltes sur les terres communes les plus proches de leur quévaise et non au voisinage des autres quévaises. Il s’en suivit que, récolte après récolte, ils commencèrent à entourer ces terres de ″failliz haies et défenses″ et à terme ils en firent des champs avec clôtures. Et, à la date dudit rapport, ils veulent affirmer que ces champs et autres terres, là où ils ont pris l’habitude de cultiver des blés, font partie de leur quévaise, usurpant ainsi les droits du commandeur. Les représentants du commandeur, ses ″ fermiers et receveurs, leurs parents et cousins, ayant fait de même, n’osaient l’interdire aux autres ″. Le commandeur poursuit en mentionnant que depuis l’appropriation par certains des terres communes pour y faire des champs et clôtures, il y a des quévaises qui″ font vingt, soixante et même cent journaux alors que d’autres n’en ont pas deux″. Or les quévaisiers ″ne paient pas plus pour la grande qu’ils ne le font pour la petite″. Et pour tous les champs qu’ils ont, ils ne paient rien si ce n’est lors des récoltes de blés.

De la fin du XIVe siècle à la fin du XVIIIe siècle tant les procès engagés par le commandeur que ceux engagés par les quévaisiers  à son encontre vont se multiplier. Sur les trois derniers siècles de l’existence de la commanderie de la Feuillée les frais de procédures qu’elle a engagés contre ses quévaisiers  pour maintenir ses droits”  sont particulièrement importants (l’étude des comptes aboutit à des dépenses de l’ordre de 8 %  des   revenus bruts de la commanderie).

Au niveau de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem les contestations vont se poursuivre et les commandeurs successifs vont accepter maints accommodements aux règles de la quévaises à tel point qu’au niveau de la commanderie de la Feuillée vont se distinguer 3 pôles (La Feuillé, Pont-Melvez, Le Palacret ) avec des applications différentes ( surface, nombre de quévaises, obligation d’y demeurer, obligation d’ensemencer du froment, remplacement du prélèvement en nature par une forfaitisation financière, non obligation de semis de froment...[8]) et ce même si les aveux des quévaisiers comportent toujours mention du même règlement de la quévaise.

Les commandeurs sont assez fréquemment absents de leur commanderie du fait que leur fonction première est la défense de la chrétienté contre les musulmans ainsi que celle des pèlerins et des soins à apporter à ces derniers lors de leurs pèlerinages vers et en Terre Sainte.  Cette absence est une des causes des tentatives d’une part de leurs quévaisiers de s’affranchir de leur tutelle et d’autre part des seigneurs locaux de s’approprier certaines de leurs possessions.

A compter de 1781 la commanderie de la Feuillée/le Palacret a été attribuée à Alexandre-Louis-Hugues de Freslon de la Freslonnière. Le commandeur ayant pris conscience des difficultés rencontrées à faire appliquer un type de contrat qui diffère totalement des types de contrats appliqués en Basse-Bretagne va engager des démarches tendant à  supprimer le régime de la quévaise et à lui substituer  le type de contrat majoritaire dans la province. Et ce même si les études  récentes faites sur le régime de la quévaise démontrent que globalement il était plus favorable aux vassaux que la plupart des autres régimes.

Le commandeur  n’est pas le propriétaire de la commanderie, il n’est que le représentant de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Il s’est adressé  au Prieuré d’Aquitaine et a obtenu, le 6 août 1786, l’autorisation de supprimer le régime de la quévaise. Pour mieux asseoir le changement envisagé il adresse au Parlement de Bretagne à Rennes un mémoire afin d’obtenir l’aval dudit Parlement. Les archives départementales d’Ille-et-Vilaine en ont conservé des traces (cote C96). Le mémoire du commandeur n’y est pas conservé et ce même si les courriers échangés le mentionnent mainte fois.

La demande faite  au Parlement de Bretagne date de l’année 1788 et très probablement du mois de décembre. Le Parlement a peu connaissance du régime de la quévaise aussi il va s’adresser, le 2 janvier 1789,  au subdélégué de Morlaix, ville proche de la paroisse de la Feuillée, le priant d’examiner le mémoire du commandeur et de se procurer localement tous les éclaircissements nécessaires. Le courrier précise que le bailli de Freslon demande la permission de supprimer le droit de la quévaise dans sa commanderie de la Feuillée et de convertir cette servitude en un féage roturier ou en un domaine congéable. Plusieurs échanges de courriers vont avoir lieu. La réponse faite, de Morlaix, le 19 janvier 1789, par Monsieur  de S. Maurice  me paraît la plus complète pour comprendre l’esprit des classes dirigeantes à quelques mois de la Révolution et percevoir l’évolution des mentalités en cours, aussi je la transcris en son intégralité :

                                                                ″ Monseigneur[9].

J’ai l’honneur de vous faire repasser le mémoire de M. le bailly de Freslon et les pièces jointes. Je ne vois rien qui puisse être contraire à la demande qu’il fait pour la conversion du droit de quévaise en un cens ou domaine congéable. Elle est conforme aux plus saints principes de justice et d’humanité. Fait qu’elle tend à affranchir le vassal d’un droit onéreux dont l’effet le prive de presque tous les droits de la propriété et intervertit celui de l’hérédité que le droit naturel rend commun à tous les enfants d’un même père et aux frères et sœurs en cas de mort de l’un d’eux sans enfants.

J’ai été surpris de voir les vassaux de l’abbaye de Relec montrer assez peu d’empressement à profiter de la faveur des lettres patentes que cette abbaye a obtenues. Il sera peut-être de même à la Feuillée. C’est l’effet de l’habitude qui a empire infini sur le paysan et particulièrement sur celui de ces cantons qui, habitué à une espèce de servitude, n’a fait que peu de progrès vers l’éducation et ne songe pas à se procurer un meilleur sort dont il a peu d’idée. Il est néanmoins à croire qu’il sortira tôt ou tard de l’engourdissement et que l’exemple de ceux qui ont secoué le joug entraînera enfin les autres. Et que l’agriculture bien négligée dans presque toute l’étendue  la commanderie, où le sol est d’ailleurs assez aride, prendra de la vigueur et rendra son aspect moins sauvage.

Je pense donc, Monseigneur, qu’en accordant à M. le bailly de Freslon les lettres patentes qu’il sollicite on fera l’avantage des vassaux comme celui du seigneur qui retrouvera dans des droits plus faciles à exercer le dédommagement de celui dont il fera le  sacrifice.

                                      Je suis avec un profond respect

                                       Monseigneur votre humble et très obéissant serviteur

                                                            De Saint Maurice″

 

Le Parlement de Bretagne  accorde en février 1789 au  commandeur de la commanderie de La Feuillée/Le Palacret les lettres patentes l’autorisant à  substituer le domaine congéable, ou féage roturier au régime de la quévaise.

Cependant le commandeur n’a pas attendu l’accord du Parlement de Bretagne et le 4 mai 1787 devant maitre Guerquin notaire à Guingamp Louis René Richelot du Plessix , avocat au Parlement, “faisant et agissant au nom de Louis Alexandre Hugues de Freslon commandeur des commanderies du Palacre, la Feuillée et annexes, cède à domaine congéable selon l’usement de Tréguier à honorables gens Laurant Rabin et Marie Hello sa femme … le moulin du Palacret…[10]”. Vont suivre même après le début de la révolution de 1789 d’autres mises en œuvre de ladite mesure de substitution ce que les actes relevés notent sous le terme  de convertissement de quévaises. Par exemple le 23 octobre 1789 devant maitre Le Prieur notaire à Plougonver dans le même acte sont concernées[11] : les quévaises de Jean Guillou, de Jean Morvan, d’Henry Le Corre, de Guillaume Hamon, de Jean Le Corre, de Guillaume Le Faucheur et la quévaise Cloarec. Toujours aux mêmes dates le sieur Richelot du Plessix[12]  devant  maître Mignot notaire à Pont-Melvez   substitue les règles du féage roturier à l’usement de quévaise pour les quévaises[13] : Ernot, Henri Guillon, Yves Le Cozic, Jean Hamon, Guillaume Touboulic  et ce au profit de Marie Julienne Cozic et ses enfants. Ce qui ressort surtout de l’analyse des actes notariés  concernant la quévaise sur la période 1770- 1790 est que les règles qui régissaient le règlement de la quévaise encore jusqu’à la fin du XVIIe siècle ne sont plus guère respectées.

 

Mais il est trop tard, la Révolution de 1789  se poursuit et le commandeur n’aura pas le temps de mettre globalement en œuvre son projet. Ce n’est pas seulement le régime de la quévaise que la Révolution  va faire disparaître mais également l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Le commandeur va devoir quitter l’Ordre sous peine de perdre la nationalité française, puis  tous les biens de l’Ordre seront saisis et  vendus en tant que biens nationaux.

 

Qu’en est-il des autres quévaisiers c’est-à-dire de ceux  dépendant des abbayes de Bégard et du Relec ?

La preuve de l’existence de contestations de certains quévaisiers dépendant de l’abbaye du Relec se déduit de l’arrêt du Parlement de Bretagne daté du 27 avril 1569[14], lequel mentionne que Louis Le Bouteiller, abbé commendataire du Relec, est dans son droit en  imposant à ses tenanciers les règles du régime de la quévaise. La poursuite d’un certain rejet transparait encore dans la volonté  de Henry Le Deuff, abbé de Notre Dame du Relec, quand il obtint, le 22 janvier 1575, du roi Henri III les lettres pour commuer le titre de quévaise en titre de cens ou rachat  à la requête présentée par les vassaux et sujets de la dite abbaye… et ce attendu la rigueur dudit titre de quévaise différents des autres droits seigneuriaux et féodaux locaux… et que le dit titre de féage et rachat est plus utile et profitable à ladite abbaye que le titre de quévaise ” .  Pour autant il ne semble pas que ce changement ai réellement eut lieu. En effet en 1641 est diligentée une enquête visant à comprendre la non mise en oeuvre de l’arrêt du 22 janvier 1575[15]. L’enquête va révéler que le Parlement de Bretagne lors de l’enregistrement dudit arrêt a ajouté une clause spécifiant que si les quévaisiers  aimeraient mieux tenir leurs héritages comme ils le faisaient auparavant ils le pourraient”. Aussi les enquêteurs concluent : les tenanciers de l’abbaye  auraient usant de l’option réservée par l’arrêt d’enregistrement des lettres patentes abolutives, déclaré à l’envie l’un de l’autre, leur volonté de mourir ainsi qu’ils étaient nés et qu’ils avaient jusqu’alors vécu, c’est-à-dire quévaisiers”. Mes travaux en ce qui concerne la quévaise me font suivre totalement le commentaire porté par Henri Hardouin dans son mémoire de 1885 : Entre un demi servage traditionnel [sous la quévaise], demi servage dont la rigueur s’atténuait par la modicité de la redevance, et la récupération à prix d’argent d’une liberté plus ou moins relative de la tenue [cens et rachat= nouveau régime proposé]  ils n’avaient un seul instant hésité”.

Dans la continuité des éléments ci-avant, peu avant 1660 l’abbé du Relec, de Pas de Fenquières, a fait imprimer des formulaires, à compléter par ses tenanciers, dont l’objet est un pacte ou contrat de rachat du droit de quévaise avec transformation en simple féage ou bail à cens. Il y est indiqué que l’exécution des lettres patentes de 1575 fut interrompue par les guerres civiles et le décès de l’abbé [René de Rieux décédé au Relec en mars 1651] et par la négligence de ceux qui lui succédèrent et n’eurent pas le même soin pour le soulagement de leurs vassaux et l’accroissement du revenu de ladite abbaye.

Il y a lieu de noter qu’à ces époques une part importante de la société  considérait comme anormal” que le plus jeune des enfants puisse hériter en lieu et place de l’ainé. En 1643 Julien Furic, avocat au présidial de Quimper fait imprimer un texte sur le droit de quévaise dans lequel il écrit[16] : toute loi qui s’éloigne du droit de nature doit être abrogée comme mauvaise. Or il n’y a rien de plus contraire à la nature que le prétendu usement qui dépouille l’ainé de ses avantages pour en revêtir le cadet… Mais le consentement du peuple ne peut point obliger, même civilement, à une coutume qui est contraire à la loi de Dieu qui a toujours donné les avantages du bien à celui qui avait reçu ceux de la naissance…”. Michel Sauvageau [17] dans un commentaire sur le droit de quévaise note : C’est quasi un droit d’expulsion ou de congé ; en effet le juveigneur restant seul maitre de la tenue, à la mort de son père, en chassait en quelque sorte ses frères et sœurs de son côté ”, semblant ainsi ne pas percevoir que l’on peut totalement inverser son commentaire.

 

Rôle majeur de  Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche dans l’abolition de l’usement de quévaise

 

Après cette très longue introduction, afin de tenter de décrire ce qu’est le régime de la quévaise, ses tentatives de réformation et surtout les multiples procédures engagées tant par les quévaisiers que par les seigneurs fonciers tout au long de son existence, il est temps de décrire les multiples soubresauts de ce régime à la fin du XVIIIe siècle. La période qui précède la révolution de 1789 et la révolution vont voir se développer de nombreuses luttes, polémiques, interprétations partiales et impartiales des différents acteurs. Ce va être le grand bazare” de la Révolution  encore amplifié par l’Assemblée constituante avec ses décisions contradictoires et changeantes.

Parmi tous les acteurs qui s’intéressaient et s’impliquèrent au sort de ce régime il apparait que l’action de Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche sera la plus décisive.

 

Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche naquit à Chatelaudren en 1742 dans une famille de notables (voir annexe 2), il fit des études de droit, devint avocat. Il réside déjà à Lannion lors de son mariage en cette même ville avec Catherine Jeanne Prigent (Annexe 2). Il y passera le reste de son existence  où il côtoiera la haute bourgeoisie dont il faisait partie intégrante.

Au cours des années 1770 Jean-Marie Baudouin a entrepris une œuvre de longue haleine à savoir l’étude des coutumes et usements qui régissent les droits fonciers et notamment celui des domaines congéables[18] dont la pratique, selon lui, remonterait à l’émigration bretonne du Ve siècle. A ce niveau Jean-Marie Baudouin fait un travail de jurisconsulte[19],  même si à priori il n’a guère utilisé ce terme pour se qualifier.

 En 1774 Guillaume Jacques Girard, jurisconsulte de Cornouaille, coupe l’herbe sous le pied de Jean-Marie Baudouin en publiant un traité sur les usements en Basse-Bretagne ; traité dans lequel il attaque les propriétaires fonciers et soutient les détenteurs des droits superficiels[20]. Cet ouvrage servira de base au front anti-convenancier[21]. En conséquence Jean-Marie Baudoin ne l’épargnera guère dans ses critiques.

En 1776 Jean-Marie Baudouin fait paraitre un ouvrage[22] sur «  les institutions convenantières ou traité raisonné des domaines congéables en général et spécialement à l’usement de Tréguier et de Goelo. Cet ouvrage remporte un succès non négligeable. Son auteur le pense en tant que  référence des jurisprudences ayant trait au domaine congéable, œuvre à vocation pratique et non polémique, destinée aux juristes et aux seigneurs fonciers et ce du fait qu’il expose les droits, obligations, intérêts respectifs, des propriétaires fonciers et des colons ; il estime qu’environ  400 à 500000 paysans vivent sous ce régime.

La France  de 1787-1788 est en crise financière, politique et sociale. Jean-Marie Baudouin semble être attiré par la politique ainsi en 1788 il adresse un mémoire au chancelier du Parlement de Bretagne prônant le maintien de ce même Parlement de Bretagne. Il est nommé député de Lannion et participe à Rennes à la session des Etats de Bretagne de décembre 1788-Janvier  1789. Cession qui va se traduire par un blocage entre le Tiers-Etat et la Noblesse et le Haut-Clergé.

 Louis XVI  a décidé, le 24 janvier 1789, de convoquer à Versailles les Etats Généraux du royaume. Il est décidé, avant  qu’ils ne soient  synthétisés au niveau de la sénéchaussée, d’établir les cahiers de doléance au plus près du terrain c’est-à-dire au niveau des paroisses. Pour le Trégor  reviennent de manière récurrente des doléances ayant trait  au foncier concernant les coutumes et usements. Le  cahier de doléances de Saint-Laurent, site de la commanderie du Palacret, daté du 1 avril 1789, signé  par 27 citoyens, et le cahier de doléances de Pédernec, du 31 mars 1789, signé par 29 citoyens, comportent les mêmes revendications réparties en 13 articles. L’article 3 réclame : « l’abolition de tous usages ruraux, soit domaine congéable soit quévaises afin que tous les citoyens du Roi puissent jouir de leurs propriétés librement et à titre de vrais propriétaires, conformément aux coutumes générales du royaume, ces usements n’étant qu’un reste de l’esclavage et de la tyrannie [23]».

Le 14 avril 1789 Jean-Marie Baudouin est élu par la sénéchaussée de Lannion et Morlaix  représentant  du Tiers-Etat[24]. Il sera donc aux Etats-Généraux  à Versailles du 4 mai au 23 juin 1789. Il y sera en compagnie de Gabriel-Hyacinthe Couppé de Kervennou, alors sénéchal de Lannion. A l’issue de ces Etats-Généraux  ces représentants de Lannion vont siéger en tant que députés du Tiers-Etat à l’Assemblée nationale constituante. Jean-Marie  Baudouin du fait de sa formation d’avocat  et de son travail sur les coutumes et usements de Basse-Bretagne va siéger au Comité féodal de l’Assemblée nationale. 

Les évènements  vont se précipiter. Les 4, 6, 7, 8 et 11 août  1789 sont pris les décrets plus connus sous le nom d’abolition des privilèges  qui vont mettre fin aux privilèges féodaux. En résumé deux facettes  en décrivent l’essentiel :

·   Sont abolis sans indemnités

La mainmorte réelle  et personnelle (Art 1), la servitude personnelle (Art 1),                                                                   l’exclusivité seigneuriale sur les colombiers (Art 2) et la chasse (Art 3), l’exclusivité sur l’accès à certaines professions (Art 10), les justices seigneuriales (Art 4), les dîmes (Art 5), la vénalité des offices (Art 1), les privilèges particuliers des provinces (Art 10), ainsi que la pluralité des bénéfices (Art 14).             

·   Sont considérés comme rachetables :

Les autres droits féodaux ou censuels (Art 1), les autres dîmes (A5), toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu’elles soient, quelle que soit  leur origine, à quelques personnes qu’elles soient, dues, gens de mainmorte, domaines, apanagistes, ordre de Malte (Art 6) et les champarts (Art 6).

 Les débats vont s’enflammer du fait que les usements sont en nombres incalculables sur l’ensemble du royaume de France et ses territoires extérieurs, que les intérêts des seigneurs fonciers sont le plus souvent en opposition avec ceux des exploitants et qu’en conséquence vont survenir nombre de blocages afin de savoir  comment et à qui ou à quoi  il  y a lieu d’appliquer les  directives des décrets  d’abolition des privilèges.

La quévais relève-t-elle de la mainmorte : non puisqu’au décès  il y a héritage au plus jeune des enfants, ou oui parce qu’il y a retour de la quévaise  au seigneur foncier en cas  de décès du quévaisier sans enfants de son corps ?

La rente convenancière du domaine congéable est-elle une rente foncière perpétuelle donc rachetable ? Le convenancier est soumis à la justice seigneuriale et au droit de moult de son moulin et ce sont bien là les preuves de sa féodalité et donc devant conduire à son abolition sans indemnité ? Le domaine congéable dit de l’usement de Rohan relève-t-il de la mainmorte  du fait que de même que pour la quévaise  en cas de décès du convenancier sans enfants de son corps  le convenant retourne au seigneur ?

Le 6 décembre 1789 Jean-Marie  Baudouin présente au comité féodal un rapport[25] sur les 3 usements principaux   qui régissaient les biens fonciers  en Basse-Bretagne, à savoir la motte[26], le domaine congéable et la quévaise.  A la lecture de ce rapport il apparait clairement que son objectif principal est la défense, la conservation du domaine congéable. L’analyse et les arguments concernant le domaine congéable s’étendent sur plus de 5 pages d’environ 66 lignes chacune  alors que la part réservée à la quévaise ne comporte que 50 lignes. A noter également qu’à cette même réunion il présente en sus  un projet de décret sur les domaines congéables.  Dans son introduction Jean-Marie Baudouin met bien en avant le fait qu’il est le seul au niveau du comité féodal à connaître ces régimes:   Messieurs une tâche peu brillante, mais difficile m’est imposée : celle d’analyser les lois territoriales de la Basse-Bretagne… Dans les discussions ordinaires sur les fiefs, chacun de nous est entouré des lumières de tous… Mais je dois mettre sous vos yeux des localités concentrées dans une frontière de la France  et presque inconnues du reste du royaume. Seul parmi vous, habitant ces cantons reculés, je suis réduit à mes propres forces dans le travail que je soumets à votre examen. Vous en jugerez, messieurs, les formes avec d’autant plus d’indulgence. Au fond  et sur la fidélité de l’exposé de ces coutumes locales je n’en demande aucune : je dois et je promets la plus grande exactitude…”.

Dès son préambule concernant la quévaise il la condamne, l’assassine : Vous pouvez, vous devez j’ose le dire, Messieurs faire encore d’autres heureux : ce sont les cultivateurs qu’accable le plus désolant des fléaux, dans une partie de la même contrée. A cette annonce un bas-breton devinerait l’usement de quévaise. La quévaise est une tenue féodale plus oppressive que la mainmorte des autres provinces qui gémissaient sous un joug tyrannique. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les dispositions de cette étrange loi ; elles sont brèves et peu nombreuses[27], mais c’est le coup de foudre, qui d’un coup violent écrase les malheureux mortels… ces us barbares ont révolté les seigneurs mêmes qui en profitaient… ”.

Jean-Marie Baudouin  affirme que la quévaise relève bien de la mainmorte réelle du fait que le bien retourne au seigneur si à son décès le quévaisier n’a pas d’enfants et de ce fait en oubliant que s’il y a des enfants il y a héritage au plus jeune. L’attribution de l’héritage au plus jeune est certainement ce qui heurtait le plus la société de l’époque. Par ailleurs comme pour  le domaine congéable le fonds appartient toujours au seigneur même s’il l’a mis, comme de nos jours, à disposition du cultivateur moyennant une rente.

Il affirme encore que la quévaise relève de la mainmorte personnelle du fait que le quévaisier doit occuper personnellement sa quévaise, qu’il ne peut la quitter pendant plus d’une année, qu’il ne peut l’affermer. Il ne précise pas que ces éléments découlent essentiellement du fait que le cultivateur ne rétribue pas le seigneur par un volume déterminé de céréales (ou autres) mais par un prélèvement de 3 gerbes sur 20 du froment cultivé, ce qui est un avantage en cas de mauvaise récolte, mais en contrepartie impose qu’une récolte soit effective. Il y a donc une forme d’attachement à la terre. Dans le cas du domaine congéable il y a un attachement à la terre peut-être encore plus fort : dans le cadre du domaine congéable le convenancier ne peut quitter de son propre chef son domaine sous peine de perdre le paiement  de la valeur des édifices et superfices qu’il a dû payer lors de son entrée ainsi que des améliorations qu’il a pu y réaliser ; le remboursement n’est effectif que si le congédiement est imposé par le seigneur. Jean-Marie Baudouin affirme faussement que le quévaisier est assujettis à des corvées indéfinies; or mon étude sur les quévaises de La Feuillée/ le Palacret fait apparaître une seule corvée pour la majorité des quévaises, 2 ou 3 pour les plus grandes, et Hervé le Goff dans son ouvrage sur l’abbaye de Bégard mentionne une seule corvée par an.

De ses  affirmations ci-dessus Jean-Marie Baudoin conclut qu’il y a donc lieu d’appliquer à la quévaise le décret de l’Assemblée nationale qui déclare abolis sans indemnité tous les droits et devoirs qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle.

Il y a donc lieu de penser que Jean-Marie Baudouin, appartenant à la haute bourgeoisie défend plus les gens de sa classe que l’abolition des privilèges décrétée le 4 août 1789. Un grand nombre de domaines congéables appartiennent à cette bourgeoisie et non seulement à la noblesse. Isabelle Guégan dans sa thèse citée ci-avant mentionne que Jean-Marie Baudouin était propriétaire de plusieurs domaines congéables dans le Trégor. Il est également possible que cette condamnation de la quévaise  soit un gage  donné à la commission féodale  comme preuve de son impartialité quand il défend le domaine congéable.

Autre argument il n’y a que 3 seigneuries concernées par les quévaises (les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de la commanderie de La Feuillée/Le Palacret, l’abbaye de Bégard et  l’abbaye du Relec) soit  moins de 5000 quévaises. Alors que si l’on considère les chiffres mis en avant par Jean-Marie Baudouin  il y aurait en Basse-Bretagne entre 400 et 500000 citoyens fonciers ou superficiaires. Jean-Marie Baudouin le reconnait également et le mentionne dans sa présentation en précisant que de ce fait l’exécution de ses préconisations sur la quévaise serait d’autant plus facile qu’elle ne lèsera aucune propriétaire individuel : toutes ces seigneuries sont à la disposition de la nation elles sont possédées par l’ordre de Citeaux et la commanderie du Paraclet ”. Il rappelle en sus que Dom de Verguet, prieur actuel de l’abbaye du Rellec, député du clergé à l’Assemblée nationale[28] vient de convertir presque entièrement” le droit de quévaise de son abbaye en fief ordinaire et que Alexandre Louis Hugues Freslon de la Freslonnière, commandeur du Palacret, a  obtenu l’autorisation du Parlement de Bretagne pour convertir le droit de quévaise  de sa commanderie.

 

Le 9 décembre 1789 le rapport de J. M. Baudouin de Maison-Blanche constitue la troisième annexe présentée lors de la tenue de l’Assemblée nationale le 9 décembre 1789 sous la présidence de M. Fréteau de Saint-Just député de Melun. Au cours de cette séance 23 personnes vont intervenir dont parmi les plus connus : le vicomte de Mirabeau, M. le duc de la Rochefoucault, M. de Robespierre, M. Le Chapelier (pour les affaires de Bretagne). Pour autant aucune décision  n’est arrêtée lors de cette assemblée.

Quelques mois plus tard à savoir le 15 mars 1790 la séance de l’Assemblée nationale  est présidée par M. Rabaud de Saint Etienne, l’ordre du jour comporte 3 points à savoir : l’imposition de la gabelle,  la rédaction de l’article du décret sur les droits féodaux, l’adresse de la commune de Paris. L’assemblée décide qu’elle entendra d’abord la lecture des articles concernant la féodalité.

Elle va entériner un  décret traitant de l’abolition des privilèges seigneuriaux et féodaux qui va qui va signer la suppression de la quévaise. Le décret  du 4 août 1789 laissait de nombreux flous quant à savoir à quelles personnes, règles, coutumes, contrats, usements … il s’appliquait. Le décret du 15 mars 1790  traite et précise l’abolition de ces mêmes  privilèges en regroupant plusieurs décrets partiels à savoir ceux des 24, 25, 26 et 27 février et ceux des 1, 3, 4, 6, 8, 10, 11 et 15 mars 1790. Ce nouveau décret dans l’article VII de son titre III spécifie que  toutes les dispositions ci-dessus concernant la mainmorte auront également lieu en Bourbonnais et en Nivernois pour les tenues en bordelage et en Bretagne pour les tenues en motte et en quévaise. A l’égard des tenues en domaine congéable il y sera statué par une loi particulière.

En ce qui concerne la quévaise les arguments avancés par Jean-Marie Baudouin ont été acceptés et pris en compte. A noter que les dispositions dont il est précisé qu’elles s’appliquent entre autres à la  Bretagne concernent la mainmorte et se résument  à :

·   Art 1  la mainmorte réelle ou mixte … et tous les effets qui s’étendent sur les personnes ou les biens sont abolis”.

·   Art 2 : néanmoins tous les fonds ci-devant tenus en mainmorte réelle ou mixte continueront d’être assujettis aux mêmes charges, redevances, taille, ou corvées réelles dont elles étaient précédemment grevées.

·   Art 3 : les dits héritages resteront pareillement assujettis aux droits dont ils pouvaient être tenus en cas de mutation par vente …

 

Pour autant les péripéties  concernant le sort de la quévaise ne sont pas encore rendues à leur terme. En effet le 2 novembre 1789 l’Assemblée nationale  a décrété que les biens ecclésiastiques étaient nationalisés. Le 14 mai 1790 suit un autre décret fixant les règles de la vente des biens de l’Eglise devenus biens nationaux  vente qui va débuter fin 1790. Si les abbayes cisterciennes de Bégard et du Relec  font bien partie de l’Eglise de France  ce n’est  clairement pas le cas des biens des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dit ordre de Malte. Ordre qui depuis son  installation en 1530 sur  l’archipel maltais est  devenu un Etat souverain avec  un ambassadeur en France. Il n’a aucune dépendance au clergé français et du point de vue  spirituel ne dépend que du pape. Or le 23 octobre 1790 l’Assemblée nationale prend un nouveau décret[29] qui va exclure de la vente certains biens. L’article 1 du titre 1 dudit décret mentionne : l’Assemblée ajourne ce qui concerne … 4°  les biens des hôpitaux, maisons de charité et autres établissements destinés au soulagement des pauvres, ainsi que ceux de l’ordre de Malte et tous autres ordres religieux militaires ”. Se pose donc la question de savoir quelle règle appliquer aux quévaises de l’ordre de Malte.

Le décret du 15 mars 1790 qui de fait a aboli la quévaise a défini des droits seigneuriaux supprimés et ceux qui étaient rachetables. Le décret du 20 mars 1791, concernant les prestations acquises à la nation,  c’est-à-dire les biens nationalisés va créer de nouvelles catégories de droits : la catégorie des droits corporels (c'est-à-dire les rentes qui par leur rachat entraînent la possession du fonds) et la catégorie des droits incorporels (qui comprennent tous les droits féodaux et ceux dont le rachat n’emporte pas l’acquisition du fonds). A cette date, le directoire du département des Côtes-du-Nord considère que les rentes concernant le domaine congéables ne sont pas féodales et sont donc à classer dans les droits corporels, et considère qu’il en est de même pour les quévaises. Sont donc mises en vente les rentes attachées aux domaines congéables et aux quévaises. A cet effet, le directoire du département, le 27 mai 1791, transmet au district de Lannion une instruction stipulant que ″les rentes quévaisières et les rentes foncières et convenancières ne sont pas comprises dans la prohibition [sont de droits corporels et pas de droits incorporels] parce que celui qui achète ces rentes devient aussi propriétaire du fonds (…) ″.

Du fait de l’instabilité de la législation et des différences d’interprétations des juristes locaux, peu de rentes concernant les quévaises sont rachetées à cette date. En 1791 ne sont concernées dans le département des Côtes-du-Nord que les quévaises que l’Etat a saisies aux Cisterciens de l’abbaye de Bégard.

A la même période, J. M. Baudoin, dans sa correspondance avec le district de Lannion, énonçe que le régime de la quévaise ″dérive sans conteste de la mainmorte″, et qu’il en résulte que la loi du 15 mars 1790 doit lui être appliquée. Qu’en conséquence, les rentes quévaisières doivent relever des droits incorporels, qu’elles ne peuvent être rachetées puisque abolies sans indemnité. Le district du département suspend la vente des rentes quévaisières et, le 15 août 1791, en informe les districts de Pontrieux, Guingamp et Rostrenen. Le même mois, le comité d’aliénation annule les ventes des rentes quévaisières réalisées, les acheteurs sont remboursés de leurs versements et deviennent, sans bourse déliée, propriétaires incommutables de leurs quévaises (c'est-à-dire qu’ils ne peuvent plus légitimement en être dépossédés – alors que le régime de la quévaise le permettait s’ils n’avaient pas d’enfants lors de leur décès). Aux environs du Palacret sont concernés Yves Le Brizaut et Yves Herviou tous deux de Prat.

 

Sauf qu’entre temps, le 5 août 1791, est pris un nouveau décret[30] qui déclare que le domaine congéable est maintenu mais avec suppression des usements et droits féodaux surajoutés aux droits convenanciers et établissement de la réciprocité :  les possesseurs primitifs du sol comme par le passé peuvent congédier le colon sous condition de lui rembourser la valeur  de ses améliorations  y compris les édifices et superfices  mais ce remboursement doit également avoir lieu dans le cas où  le colon quitte de son propre chef  ledit convenant. Jean-Marie Baudouin dû sans doute se réjouir, son travail, ses arguments avaient porté, mais ce ne fut que temporaire (voir annexe 3).   En conséquence les citoyens chargés de la  mise en œuvre des décrets ne savent plus que faire et il en est de même des potentiels acheteurs. Par contre il apparait que Jean-Marie Baudouin du fait de sa position au comité féodal, a anticipé le décret du 5 août 1791 : son épouse a emporté les enchères de 2 convenants à Langoat et du convenant Raquille à Minihy le 19 juillet 1791, ce dernier étant mis à prix à 2473 livres et 6 sols et acquis pour 3025 livres[31].

Le 30 mars 1792 est prise la décision de confisquer les biens des émigrés décret suivi le 27 juillet 1792 par le décret fixant les modalités de ventes des biens des émigrés.

Le 25 août 1792 est pris un nouveau décret relatif à la suppression des droits féodaux. Cetteloi, par ses articles II et III supprime les rentes, droits, redevances qui étaient dits rachetables par la loi du 4août 1789. Provoquant de ce fait une interrogation pour tous ceux qui ont entre-temps rachetés ces rentes. Cette nouvelle loi abolit également les rentes dites conservées indéfiniment dans le décret du 15 mars 1790(article II du titre III). En sus elle spécifie (dans son article IV) que les dites mesures s’appliquent bien à la quévaise. Par cette mention elle crée un mécontentement des convenanciers bretons qui ne comprennent pas l’avantage ainsi accordé aux quévaisiers[32]. De fait cette nouvelle loi supprime le régime congéable.

Le 8 septembre 1792, devant l’Assemblée nationale Monsieur Vincent Planchut réfute tous les écrits, motions, arguments qui furent produits avec l’objectif de défendre l’ordre de Malte et ses possession en France et  présente un projet de décret en 12 articles concernant la saisie et mise en vente des biens de l’ordre de Malte en France. Après impression et distribution ce projet de décret repasse à l’Assemblée nationale le 19 septembre 1792  laquelle Assemblée sans nouvelle discussion décrète l’urgence et adopte le décret. Les biens que l’ordre de Malte possède en France seront dès à présent administrés et les immeubles réels vendus dans la même forme et aux mêmes conditions que les autres biens nationaux.

Pour autant les biens de l’ordre de Malte ne seront vendus que tardivement. Si l’on ne prend en compte que leurs biens sur le département des Côtes-du-Nord  la première vente concerne les halles  de Saint Eloi en Louargat le 22 avril 1794 et la dernière les ruines du moulin de Keramilin toujours à Louargat le 25 juin 1811.

Pour expliquer ces retards ce furent probablement les incertitudes induites par les décrets contradictoires pris par l’Assemblée nationale qui firent hésiter et les acheteurs et l’administration du département des Côtes-du-Nord. A titre d’exemple nous allons résumer trois courriers transmis par le ministre des finances aux administrateurs du Département des Côtes-du-Nord[33] :

·   Le 12 décembre 1793, il transmet une demande à surseoir à la vente des biens des membres de l’ordre de Malte et ce suite au traité conclu entre le général Bonaparte et les chevaliers de Malte. Accord par lequel les membres de l’ordre de Malte résidant à Malte seront enregistrés comme résidant en France.

·   Le 27 mai 1796, est donné l’ordre de suspendre la vente des biens personnels de ceux qui établiront avoir été attachés à l’ordre de Malte avant la Révolution.

·   Le 18 décembre 1797, les ventes doivent être réactivées suite à la délibération du Conseil des Cinq-Cents, du 9 décembre 1797, qui décide que les français attachés à l’ordre de Malte, et qui ne résident pas en France doivent être déclarés émigrés.

 

Dans les ventes des biens de l’ordre de Malte sur le département des Côtes-du-Nord  suite à l’application du décret du 19 septembre 1792 nous avons relevé des biens immobiliers mais n’y apparait  aucune quévaise ou convenant. Ce fait laisse supposer que tous les biens fonciers que possédait  l’Ordre de Malte ont été assimilés à des quévaises. Ce qui n’était pasù la réalité : concernant le département des Côtes-du-Nord[34] j’ai pu identifier appartenant à l’ordre de Malte 342 quévaises, et 81 autres exploitations relevant d’un autre régime.

 

 

Conclusion

Il est donc hautement probable, malgré les errements, les blocages, les retours en arrière, les décalages quant à l’application des mesures prises  à l’encontre des  biens des cisterciens et à ceux de l’ordre de Malte,  que ce fut fondamentalement  l’application du décret du 15 mars 1790 initié et défendu par Jean-Marie  Baudouin de Maison-Blanche qui fit disparaître le régime de la quévaise et fit que les quévaisiers et assimilés devinrent propriétaires incommutables de leurs exploitations.

Mais il n’est pas évident que cela fit que tous les quévaisiers et assimilés devinret propriétaires incommurables de leurs exploita tions ainsi que je l’ai vu mentionné jusqu’à présent. D’une part, tel que décrit ci-avant, les biens de l’ordre de Malte ne furent pas saisis simultanément avec ceux des abbayes du Relec et de Bégard et les lois successives leurs accordèrent diverses spécificités. D’autre part, et ainsi que l’affirme Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche au Comité féodal et à l’Assemblée  nationale début décembre 1789, il y alieu de considérer que la saisie des biens de la commanderie de La Feuillé/ Le Palacret , de l’abbaye du Relec et de l’abbaye de Bégard avait pour objet de renflouer les caisses de Etat. On le voit par exemple quand les régiseurs des domaines nationaux réclament début 1793 à un cultivateur exploitant d’une ferme , quévaise de l’abbaye de Bégard avant la saisie des  biens du clergé, des arriérés de 1792 et ce alors que la loi du 25 août 1792 les a supprimés[35], avec pour conséquence que la cession des quévaise ne sera d’aucun apport pour l’Etat. Etait-ce une erreur due à l’imbroglio des changements permanents des lois ou a une volonté de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat ?

 

Aussi  pour parfaitement comprendre les modalités de cette suppression et leurs disparités  il reste encore à rechercher, trouver et analyser les tout premiers documents officiels individuels qui attestent que sans bourse déliée, les quelques milliers de quévaisiers de Basse-Bretagne des années 1790 devinrent  pleinement des propriétaires de leurs fermes au sens que nous  donnons  à ce terme en ce début du XXIe siècle.

 

 

 

Annexes

Annexe 1 : La quévaise

Nous transcrivons ci-après les règles de la quévaise qui figurent dans l’édition de 1743 de l’ouvrage Coutumes de Bretagne par maître Michel Sauvageau (cette édition étant la plus proche de la période révolutionnaire qui concerne le présent article) :

Droit de quevaize usité dans l’étendue des seigneuries des abbayes du Rellec et de Begare, de l’Ordre de Cisteaux, et de fondation ducale, et des terres dépendantes de la Commanderie de Pallacret.

Article premier

En quevaize, l’homme quevaizier ne peut tenir plus d’un convenant sous même seigneurie, sans le consentement exprès du seigneur ; au défaut duquel consentement, l’acception de la seconde tenue fait tomber la première en commise au profit du seigneur, qui peut en disposer à sa volonté.

Article II

Le détenteur est tenu d’occuper actuellement et en personne la tenue en quevaize et la mettre en dû état, tant à l’égard des terres qu’édifices ; et si par an et jour il la laisse et cesse d’y demeurer, il en demeure privé, et peut le seigneur en disposer.

Article III

La tenue en quevaize ne se peut partager, vendre, diviser, sans l’exprès consentement du seigneur, à peine de privation et commise au profit du seigneur.

Article IV

Au seigneur consentant à la vente, il est dû le tiers denier du prix pour reconnaissance.

Article V

Le tenancier est obligé d’ensemencer et labourer chacune année le tiers des terres chaudes de sa tenue, afin que le seigneur ne demeure privé de ses droits de gerbe et champart, avant la perception desquels faite par le seigneur, le quevaizier ne peut rien transporter ni enlever.

Article VI

L’homme laissant plusieurs enfants légitimes, le dernier des mâles succède seul au tout de la tenue, à l’exclusion des autres ; et au défaut des mâles, la dernière des filles, sans que les autres puissent prétendre aucune récompense.

Article VII

Et le décès du détenteur arrivé sans hoirs de corps, la tenue retourne en entier au seigneur, à l’exclusion de tous les collatéraux, soient paternels ou maternels, fors les veillons et engrais que les collatéraux peuvent poursuivre dans deux ans.

Article VIII

En quevaize n’y a douaire ni retrait lignager.

Article IX

Le tenancier jouït des émondes des arbres qui sont sur les fossés de la tenue ; mais ne peut couper bois par pied, à peine d’amende, dommages et intérêts, outre la valeur du bois coupé.

Article X

Tous quevaiziers sont tenus de faire la cour et moulin et bailler aveu.

Article XI

Sont tenus aux corvées pour faner, charroyer et loger les foins ; plus au saunage ou voiture de sel et aux charrois de vins, blés et bois pour la provision des abbayes et commanderies.

Article XII

Semblablement au charroi des matériaux nécessaires pour la réédification des églises, chapelles, maisons, chaussées et moulins des dites seigneuries.

 

 

Annexe 2 : Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche

 

L’objet du présent mémoire n’est pas d’écrire une énième biographie aussi pour ce il est possible de se référer par exemple à celle écrite par de René Kerviler, Etude biographique de Jean-Marie Baudouin de Maisonblanche député de la sénéchaussée de Lannion aux Etats généraux de 1789, Saint-Brieuc, 1886 ;  approche légèrement critique à l’égard du député.  Une autre biographie est  celle de  Léon Dubreuil éditée dans les Annales de Bretagne et des Pays de l’ouest, année 1918, pp105-130 ; ce dernier reproche à Kerviler de l’avoir singulièrement rapetissé et que de l’avoir jugé à la lumière d’un Montalembert, ou même d’un Lamenais, c’est commettre le pire des anachronismes”.

   

Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche naquit à Chatelaudren le 10 janvier 1742[36] fils de Pierre Baudouin,  maître sergent de ville, et de Renée Nicolas  la troisième épouse de son père. Cette famille Baudouin est une ancienne famille de notables de Chatelaudren. Son arrière-grand-père  Nicolas Baudouin, sieur de la Montaigne, y naquit vers 1612 et y décéda en 1677 avec la mention de paintre et vitrier de son art”. Jean Baudouin, sieur de Maison blanche, son grand-père  y exerça également la profession  de peintre et vitrier de son art”.

Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche épousa à Lannion, le 5 septembre 1769, Catherine Jeanne Prigent. Maître Charles Prigent, sieur de Keryeven, père de son épouse, à cette date exerçait les fonctions de : conseiller du roy, miseur alternatif de la ville et communauté de Lannion, notaire royal et procureur au siège royal dudit Lannion”. Quant à la mère de l’épousée elle était la fille de maître Guillaume Bernard, sieur de Kerellec, procureur au siège royal de Lannion.

Une plongée dans les registres paroissiaux de Lannion  et la lecture des documents ayant servis à la présente étude permettent de suivre quelques aspects de la vie de Jean-Marie Baudouin :

Il  engendra ’une bien grande famille à savoir : 14 enfants  (7 garçons et 7 filles) répartis sur la période 1772 à 1796.

Il exerça et déclara des métiers et charges dont quelques-uns ne manquent pas de surprendre :

·       années 1770 : avocat, avocat au Parlement, avocat à la cour.

·       années 1780 noble maître avocat au Parlement.

·       de 1789 à 1791 avocat et député du Tiers-Etat.

·       élu maire de Lannion : du 5 novembre 1791 au 21 novembre 1792.

·       1792-1794 suppléant du juge de paix, administrateur de l’hôpital de Lannion, membre du comité révolutionnaire.

·       décembre 1794 administrateur au département.

·       année 1793 imprimeur.

·       année 1793 loueur de chevaux.

·       année 1796 homme de loi.

·       janvier 1796 juge suppléant au tribunal civil des Côtes-du-Nord,  conseiller de préfecture.

·       Novembre-décembre 1804  préfet intérimaire des Côtes-du-xfdNord en l’absence du préfet Boullé, ce dernier absent afin d’assiter aux cérémonies du sacre impérial.

 

Jean-Marie Baudouin décéda à Lannion le 6 décembre 1812 à l’âge de 70 ans.

 

 

 

 

Annexe 3 : le régime congéable après le 5 aout 1791

Le 5 aout 1591 a été pris le décret  maintenant le régime congéable avec les toilettages proposés par Jean-Marie Baudouin dans son rapport au comité féodal du 6 décembre 1789.

En 1792 se produit un revirement de l’Assemblée nationale. Elle déclare dans le préambule de son décret du 27 aout 1792 que la tenue connue sous le nom de domaine congéable participe de la nature des fiefs et qu’il est instant de faire jouir le domanier de l’abolition de ce régime féodal ; ce décret permet aux colons (paysans) ou aux preneurs de racheter les rentes convenancières.  Elle abolit ainsi le domaine congéable.

Le décret du 17 juillet 1793 renforce encore la spoliation des seigneurs fonciers en  abolissant les rentes convenancières qui sont supprimées sans indemnité.

Quelques années plus tard se produit un nouveau rebondissement : le 30 octobre 1797   le décret du 27 aout 1792 est aboli  et le domaine congéable  rétabli. Les travaux  de Jean-Marie Baudouin de Maison-Blanche ont refait surface.  Cette nouvelle loi déclare le caractère non féodal du bail à convenant (domaine congéable) ; le preneur n’est qu’un fermier du fonds. Le domaine congéable est encore en 2023 inscrit au code rural  dans son livre IV, titre III, articles L431-1 à L 431-13.



[1] Abbaye fondée en 1132 par celle de Bégard.

[2] Jeanne Laurent, Un monde rural en Bretagne au XVe siècle- la quévaise″, SEVPEN Paris, 1972.

[3] Une poule.

[4] Le plus jeune des enfants

[5] Récoltes de céréales.

[6] Terres en friches.

[7] Terme utilisé  bien que n’ayant aucun rapport avec la dîme ecclésiastique.

[8] Yves Le Moullec, Le Palacret histoire d’une commanderie en Basse-Bretagne, Roudenn Grafik, 2015, pp 205-263.

[9]Le destinataire est très probablement M. de Villedeuil.

[10] AD 22  cote 3 E 54.

[11] AD 22 cote 3 E 110/ 28.

[12] Louis René Richelot du Plessix  avocat au Parlement porte alors  les titres d’agent général de l’ordre de Malte, procurateur, régisseur général du bailly de Freslon  ce dernier alors commandeur du Palacret / La Feuillée.

[13] AD 22 contrôle des actes  au bureau de Belle-Isle en Terre cote 2C172

[14] Les plus solennels arrêts donnez au Parlement de Bretagne recueillis par messire Noel de Fail, sieur de Hérissaye, avec les annotations de Mre Mathurin Sauvageau…, Nantes, Jacques Maréchal, 1715, tome 2.

Hardouin Henri, L’abolition de la quévaise au Relec, bulletin de la société archéologique du Finistère, 1885, pp 53-80.

[15] Ibid.

[16] Ibid.

[17] Michel Sauvageau et son père Mathurin célèbres avocats du Parlement de Bretagne surtout connus pour leurs annotations de l’Ancienne coutume de Bretagne  comprenant les arrêts recueillis par Noel de Fail.

[18] Plutôt que de renvoyer aux centaines de pages de l’ouvrage de Jean-Marie Baudouin je préfère me référer à la définition qu’en a donnée Isabelle Guégan dans sa thèse, Rapport à la terre, conflits, hiérarchies sociales en Basse-Bretagne au XVIIIe siècle, thèse CRBC Brest, 2 mars 2018. A ma connaissance il s’agit là de la définition la plus claire et la plus concise du domaine congéable : le domaine congéable consiste en  réalité en 2 contrats :

·        Un contrat sur les fonds qui est une location avec la possibilité pour le preneur de le mettre en valeur, moyennant le versement d’une rente.

·        Un contrat sur les édifices et superfices qui est une vente puisque le preneur en devient pleinement propriétaire. Achat que le preneur paie au prix fort. Le seigneur peut congédier le preneur, mais en ce cas, après estimation par des experts des édifices, des superfices et améliorations faites par le preneur, il doit verser  au convenantier ce montant estimé.

[19] Jurisconsulte selon le Larousse : personne ayant une grande maîtrise du droit et de la jurisprudence et prodiguant des conseils en la matière.

[20] Sous le nom d’édifices et superfices on comprend les maisons destinées à l’habitation du vassal, les granges, greniers et tous autres bâtiments, le puits, les aires à battre, les murs, les fossés, le premier défrichement des terres mises en valeur, leurs engrais actuels, les prairies et cours d’eau, les arbres fruitiers, les émondes des arbres émondables, les bois puînais et les bois taillis avec leurs souches ( Theodore Derome, De l’usement de Rohan ou du domaine congéable, revue critique de législation et de jurisprudence, 1863, p213).

[21] Le domaine congéable, prend fréquemment le nom de convenant, terme qui à l’origine désignait la rente à payer par l’occupant, le cultivateur  du domaine concerné. Cet occupant fréquemment nommé : convenancier, colon, domanier.

[22] Imprimé à Saint-Brieuc chez Jean-Louis Mahé, sous 2 volumes.

[23] Henri Sée, Cahier de doléances de la sénéchaussée de Rennes, tome IV évêché de Tréguier, Rennes, imprimerie Oberthur, 1912.

[24] Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889, Paris, 1889.

[25] Archives parlementaires de 1787 à 1860-Assemblée constituante, Tome 10, du 12 novembre 1789 au 24 décembre 1789.

[26] Cet usement relevant de la mainmorte et   aux dires même de Jean-Marie Baudouin n’existe plus depuis bien longtemps aussi il ne sera pas approfondi.

[27] Pour autant Jean-Marie Baudouin se garde bien d’en citer une seule.

[28] En janvier 1789 le clergé du Léon, lors des Etats vde Bretagne, a refusé de nommer des députés aux Etats-Généraux . Mais il va changer d’avis et seront élus députés Dom Claude François Verguet et Louis Alexandre Expilly du 3aout au 30 septembre 1791 ( Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français de 1789  à 1889, Paris,1889)

[29] Archives parlementaires de 1787 à 1860-première série, tome XX, 23 octobre au 26 novembre 1790, Paris librairie administrative P. Dupont, 1885.

[30] Ce décret fut pris malgré une forte opposition en Basse Bretagne. Il est probable que ce maintien tient beaucoup aux travaux et rapports de J.M. Baudoin de Maison Blanche. En effet les opposants au maintien du régime congéable sont nombreux il est possible de citer : Girard (jurisconsulte de Cornouailles, le Guével (jurisconsulte de Josselin),  René Yves Marie Huchet (futur procureur du district de Guingamp), le Quinio (futur député) qui rédigent mémoires, pétitions, réunions  pour réclamer la suppression du domaine congéable. Leur pression ne suffit pas et les députés maintiennent le régime avec quelques aménagement et l’objectif d’y revenir ultérieurement. A noter cependant que les opposants au régime congéable sont majoritaires en Basse-Bretagne et que Jean-Marie Baudouin va en payer les conséquences : il ne sera pas réélu  et va perdre son mandat de député à compter du 30 septembre 1791.

[31] Léon Dubreuil, La vente des biens nationaux dans le département des Côtes-du-Nord (1790-1830),Paris ,H. Campion, 1912, p160.

[32] Le décret du 17 juillet 1793 abolira la rente convenancière qui de ce fait est supprimée sans indemnité.

[33] Lettres du ministre des finances aux administrateurs du département des côtes-du-Nord, AD22 1Q art 159).

[34] A noter que la commanderie de la Feuillée/ Le Palacret possédait sur l’(ensemble de la Basse-Bretagne 736 tenues parmi lesquelles  539 quévaises, les 197 autres relevant majoritairement du domaine congéable.

[35] Source :Léon Dubreuil, La vente des biens nationaux dans le département des Côtes-du-Nord (1790-1830), H. Campion,1912,p 155 : « au début de 1793 le régisseur des domaines nationaux décerna une contrainte contre Louis Fleuriot, cultivateur de la paroisse de Trézelan, pour paiement des arrérages de 1792 qu’il devait sur la quévaise Clech, bien national de Bégard. Fleruiot fit opposition et demanda l’annulation de la contrainte, en se fondant sur la suppression des droits féodaux par la loi du 25 août 1792. Après avis favorable du district de Pontrieux le 7 mai 1793, puis celui de Pontrieux du 15 juin 1794, le Directoire de du département donna gain de cause ; le 27 avril 1795, au quévaisier qui n’eut rien à payer, ni la levée de 1792, ni l’arrentement de 6 boisseaux de froment, de 4 boisseaux de seigle et d’une corvée qu’on lui réclamaient ».

[36] Tous les documents concernant la date de naissance de Jean-Marie Baudouin mentionnent la date du 9 janvier, date relevée par René Kerviler. Or cette date est effacée sur le registre des baptêmes de Chatelaudren. Cet acte est situé entre un acte du 8 et un acte du 10. Or si la date est globalement effacée il subsiste le début de la formation de la première lettre prouvant que ce ne peut être  ni H ni N, mais D pour le chiffre dix.


Bibliothèque nationale de France, département estampes et photographies, reserve QB-370(15)-FT4