Y - Chartes de Conan IV

Compléments à l’étude des chartes dites de Conan IV à la lumière de la découverte d’une étude de ces mêmes chartes, faite au XVIII e siècle par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de la commanderie de la Feuillé : Yves Le Moullec

RAPPELS SUR LES CHARTES DE CONAN IV

Nous ne reprenons pas ici les études et interprétations déjà parues sur les chartes connues sous le nom de chartes de Conan IV. La première étude sérieuse fut réalisée par Anatole de Barthélémy (Bibliothèque de l’école des chartes, tome 33, pages 443 à 454,1872) ; nous trouvons ensuite celle de Guillotin de Corson qui reprend presque intégralement celle de A. de Barthélémy (Les Templiers et les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem dit ordre de Malte en Bretagne, Edition Durance-1902), enfin l’étude de François Colin (étudiant en master 2 d’histoire médiévale, université de Nantes -2008).

Pour une étude approfondie de ces chartes se référer à l’étude de François Colin, qui reste à ce jour la plus complète et synthétique (adresse internet suivante : abpo.revues.org/268).

ÉTENDUE DE LA PRÉSENTE ETUDE

Limites de l’étude :

La présente étude se limite aux possessions de la commanderie de la Feuillée et ne couvre donc pas la totalité des lieux mentionnés dans les chartes de Conan IV. Elle a été engagée suite à la découverte, aux archives départementales des Côtes-d’Armor, de documents à priori inédits et qui semblent constituer une étude des chartes de Conan IV réalisée au XVIIIe siècle par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. L’auteur des documents, supports de la présente analyse, ne les a ni signés ni datés. Tous les lieux qu’il propose correspondent à des paroisses, trêves, villages où la commanderie de la Feuillée possédait des manoirs, églises, chapelles, moulins, terres et ce aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, périodes pour lesquelles nous avons des terriers, rentiers et aveux qui nous permettent de le vérifier.

Outre les éléments figurant dans cette étude du XVIIIe siècle sera également utilisé notre travail sur la commanderie du Palacret et de la Feuillée[1].

Présentation des documents découverts :

Les documents redécouverts aux archives départementales des Côtes-d’Armor l’ont été dans la série H, ordre de Malte, à la cote H art. 580.

Ils comportent :

· D’une part une copie (annexe 1), datant à priori du XVIII e siècle, de la présentation par Alain de Boiséon, commandeur de Pont-Melvez, de la charte de confirmation de Pierre II duc de Bretagne, comte de Montfort et de Richemont, des chartres de Conan IV et d’autres documents. Présentation faite à Morlaix, datée du 14 mars 1451 (ancien style), de la charte de confirmation, rédigée à Nantes le premier novembre 1451(ancien style).

Ce document comporte 16 folios sur lesquels figurent diverses annotations, portant sur l’interprétation ou décodage des noms de lieux.

En 1451 Alain de Boiséon fut nommé commandeur de la Feuillée / le Palacret en remplacement de Pierre de Keramborgne, décédé en 1449 ; il a donc, à compter de 1451, cumulé ces deux fonctions (Pont-Melvez ne sera définitivement intégrée à la Feuillée qu’à la fin du XVIe siècle).

Ce document du XVIIIe siècle semble lui-même être une copie d’un document plus ancien dont l’écriture nous le fait dater de la fin du XVI e, début du XVII e siècle (cf annexe 3 archives départementales des Côtes-d’Armor sous la cote H art.511).

· 3 folios (annexe 2) portant en introduction « explication du nom des paroisses contenues dans la lettre du duc Connan de l’année 1160 dont les noms sont différents aujourd’huy … »

ETUDE DES CHARTES DE CONAN IV

A notre connaissance le dernier travail réalisé sur cette charte le fut, en 2008, par François Colin, étudiant en master 2 d’histoire médiévale à l’université de Nantes.

Aussi nous l’avons pris en référence et conservons, pour une comparaison plus aisée, ses numéros de notes en lien avec les noms de lieux.

Dans la colonne « traduction F. Colin » l’ajout de lettres par F. Colin avait pour objet de préciser l’émetteur initial de l’hypothèse retenue :

· Lettre B= A. de Barthelemy.

· Lettre G= G. de Corson.

· Lettres AB = Alain Boulaire.

· Lettre C = F. Colin.

Abréviations utilisées :

év. = évêché ; Corn. = Cornouaille ; Trég. = Tréguier

En rouge dénominations pour lesquelles notre analyse conduit à des conclusions non concordantes avec celles des précédentes études.


Charte de 1160

Commentaires expliquant nos choix et les quelques écarts avec les études antérieures

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Pour les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem " Pumerit " mentionné dans la charte dite de Conan IV de 1160 serait Pommerit-Le-Vicomte dont Saint-Gilles-le-Vicomte (aujourd’hui Saint-Gilles-les-Bois) est une trêve.

Cette interprétation du terme ‟ Pumerit ‟ me parait plus probable que celle donnée par A. de Barthelemy qui y voit Saint-Gilles une des trêves de Peumerit-Quintin. En effet dans cette même charte il y a la mention de ‟ en Louch ‟ que A. de Barthelemy ainsi que les Hospitaliers attribuent à Le Louch dans la trêve de Mael Pestivien elle même dans la paroisse de Peumerit-Quintin ; ce qui fait que si l’on retenait l’interprétation donnée initialement par A. de Barthelémy nous aurions 2 fois la mention de Peumerit-Quintin dans cette chartre de 1160 ce qui serait contraire à tout ce qui est mentionné par ailleurs dans cette même charte .

Dans la charte de 1182 A. de Barthelemy voit en la dénomination de ‟ Karaart ‟ Kerhars en la commune de Saint-Gilles-le-Vicomte ( Saint-Gilles-les-Bois après la Révolution ) sous l’argument que Ogé dans son Dictionnaire historique et géographique de Bretagne y place la templerie de Kerhenoret. G. de Corson mentionne dans son ouvrage les templiers en Bretagne « que la tradition a conservé le souvenir d’une ancienne templerie en Saint-Gilles-le-Vicomte ( Saint-Gilles-le-Bois ) mais elle l’appelle Kerhenoret et la place au lieu de Kerharz .... » ; cette dernière affirmation est encore indirecte et renvoie à B. Jollivet (Les Côte- du-Nord histoire et géographie de toutes les villes et communes du département - tome III ).

Ces derniers éléments concernant une possession d’origine templière semblent contredits par les éléments factuels à savoir aucun aveu ou terrier des Hospitaliers ne garde trace de ces hypothétiques biens Templiers.

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F. Colin pour la dénomination‟ Pleguen‟ dans la charte fait le choix de Pléguien ( canton de Lanvollon dans les Côtes-d’Armor ) qui est également la transcription qu’en a fait et G. de Corson. Il faut cependant noter que ce dernier attribue cette interprétation à Paul de la Bigne Villeneuve (dans le bulletin de l’Association Bretonne classe d’archéologie, IV,192 - dénomination Plegwenn) et rajoute :« mais nous n’avons point de détails sur ces biens ».

Par contre A. de Barthélémy fait le choix de Plévin (canton de Mael-Carhaix).

Au XVIIIe siècle les Hospitaliers, n’ayant aucun bien en Pléguien, n’en font aucune transcription.

Diverses recherches m’amènent à conclure que les choix faits par Guillotin de Corson, Paul de la Bigne Villeneuve ont pour origine une homonymie. Dans cette région il y avait une seigneurie de La Feillée qui possédait des biens à Pleguien, Pléhedel, Pludual... D’où une confusion aisée avec la commanderie de La Feuillée. Elément supplémentaire les armes des La Feillée seigneurs de Langarzeau en Pludual et vicomte de Pléhédel étaient d’or à la croix d’azur ( Cf bulletin monumental publié sous les auspices de la société française pour la conservation et la description des monuments historiques ; dans son bulletin de 1891 sont décrites et dessinées ces armes telles qu’elles figuraient sur un vitrail du XVe siècle dans la chapelle de Notre Dame-de-La-Cour en Lantic) et cette croix pouvait aisément être confondue avec la croix de Malte.

L’aveu fait, en 1686 (AD22 cote 1G art 19 et AD44 cote B757 très proche du précédent ), par ″Vincent Aufray, sieur recteur de Lantic, chapelain en la chapellenie Saint Laurent La Fueillée ….pour des fonds de dixme en la paroisse de Pleguien... Plehedel… Pludual… Lannebert ″ nous conduit à la même conclusion c'est-à-dire qu’il ne s’agit nullement de la commanderie de la Feuillée puisque cet aveu est fait au « roy notre sire soubz le domaine de sainct Brieuc Cesson et ressort du Gouellou … ».

L’étude des terriers et aveux de la commanderie du Palacret du XVIe siècle à 1792 nous conduit à conclure que, pour le moins, pour la période concernée, les Hospitaliers n’avaient aucune possession en la paroisse de Pléguien.

Un autre élément nous conduit à penser qu’ils n’en ont jamais possédés. Cet élément est l’application stricte faite par les Hospitaliers de leurs règles leur interdisant de vendre ou d’engager les biens de l’Ordre.

Voir ci-dessous extrait de «Abbé de Vertot, L’histoire des chevaliers Hospitaliers de S. Jean de Jérusalem : confirmation des huit statuts faits au chapitre général tenu en 1588 , Paris compagnie des libraires associés, tome sixième, 1771» .

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Des possessions existent sur les territoires de Mael-Pestivien tout autant que sur secteur de Mael-Carhaix.

En fait dans ses notes A. de Barthélémy mentionne Mael-Carhaix ou Mael- Pestivien , canton de Callac dans les Côtes-d’Armor .

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Dans la charte le Luch suit Mael dans l’énumération des noms et il semble plus logique d’attribuer à ‟ le Luch ‟ le sens de la trêve du Louch en Mael-Pestivien ; en effet dans tous leurs documents les Hospitaliers, à minima, à compter du XVIe siècle, ne dissocient jamais ces deux lieux et les mentionnent comme étant le membre de Mael et Louch.

Il faut cependant noter que les Hospitaliers possèdent effectivement des biens dans la paroisse de Luhan (proche de la paroisse d’Edern dans le Finistère ; le mémoire établi en 1655 par les Hospitaliers portant consistance de la commanderie de la Feuillée indique : « …plus en la

paroisse de Luhan (…)distant de Saint-Jean de Botlan [en Edern ] est le village de Betmap (…) où il y a une chapelle et paie le dit village (...) » ; cette chapelle étant dédiée à saint Jean on peut donc logiquement penser qu’il s’agissait d’un bien d’origine Hospitalière.

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A. de Barthelemy a proposé pour ‟ arke ‟ la paroisse d’Ergué- Armel qui, vers 1244, aurait été orthographiée Arké-Arthmaël (cartulaire de Quimper en 1244).

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L’interprétation des Hospitaliers confirme également celle d’A. de Barthelémy et de F. Colin

qui fait de ‟ Hospitalis inter duas kemper‟ la commanderie de Quimper-Corentin.

Elle invalide l’hypothèse finale de Guillotin de Corson qui cite en un premier temps :

· Le Palacret entre Quimperven et Quemper-Guezennec (peu crédible si l’on regarde une carte).

· Le Moustoir en Kernevel sis entre Quimper et Quimperlé.

· Quimper bâti à l’origine entre la vieille citée Civitas Aquilonia (aujourd’hui Locmaria) et la ville actuelle de Quimper.

Puis qui considère que ces hypothèses tombent sous prétexte que le procès-verbal de visite de cette commanderie en 1617 la mentionne sous le nom de Temple de Saint-Jean et donc qu’elle est d’origine templière et que la charte de 1160 ne peut de ce fait la concerner. Cependant cet historien se contredit et donc invalide sa propre démonstration en affirmant, dans le même ouvrage, et en le prouvant que « les termes de temple et d’Hôpital ont souvent été pris indifféremment au XVII e siècle ».

101/101 bis /102 /103

La copie du XVIIIe de la charte utilisée par les Hospitaliers nous paraît très fautive au vu des copies utilisées par les historiens A. de Barthélémy, Guillotin de Corson, F. Colin ou celle donné par Dom Morice (Preuves, tome 1, colonne 638, archives de Molac) ou celle trouvée par Arthur de la Borderie (copie authentique de 1311, archives impériales – trésor des chartes- carton J 241 n°26).

‟ Elemosine de ploearthmael ‟ est transcrit sous la forme de 2 noms ‟ Elemosine de ploearth‟ et en sus de ‟ mael ‟ ; constatant que Mael existe déjà dans la liste nous ne pouvons que rejeter l’éclatement de ‟ ploearthmael ‟ en 2 lieux distincts .

‟Brull ‟ et ‟ kessoe‟ sont devenus ‟ Keranhoult de gueffre‟ ; déformations sans doute dues aux recopies successives pour lesquelles nous ne trouvons aucun élément justificatif. A noter que cette erreur de recopie exisait déjà sur les copies du XVIIe siècle retrouvées aux archives des Côtes-d’Armor (H511 et H580) par contre elle n’existe dans la copie que nous avons relevée au archives d’Ille-et-Vilaine (copie du XVIIe siècle -19 H1).

Il faut cependant noter que Quessoy fut à l’origine une commanderie indépendante avant d’être rattachée, en 1566, à la commanderie de Carentoir. Au cours de son existence elle n’eut donc pas de lien direct avec la commanderie de la Feuillée. A l’origine elle fut une commanderie hospitalière : Guillaume de Jamart, commandeur de Quessoy, et Jean de Chalons commandeur de la Feuillée représentent, en mai 1313, les Hospitaliers lors de la dévolution des maisons templières de la caillebotière, Créhac et Lanouée à l’Ordre des Hospitaliers.

Charte de 1182

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Les Hospitaliers sont les seuls à traduire ‟ Elemosina de castello Pauli ‟ par la paroisse de Taulé. On peut comprendre que la commanderie de la Feuillée s’étendant sur la paroisse de Taulé (département du Finistère –diocèse de Léon ) ils aient voulu reconnaître une de leurs possessions dans la charte de 1182 ; mais on ne perçoit pas bien dans ce cas comment relier le nom de ‟ castello Pauli ‟ avec celui de Taulé ; sauf si l’on considère que Taulé est proche de Saint-Paul-de-Léon ; lequel Saint-Paul-de-Léon est l’une des hypothèses proposées ci-après pour‟ castello pauli ‟ .Ou encore si l’on admet un problème de transcription entre l’appellation de 1128 notée Taulai ou celle de 1353 ( plus proche des hypothèses faites quant à la date d’écriture de la dite charte ) notée ‟Taule ‟ donc très proche de ‟Paul ‟.

A. de Barthelemy « propose sous toutes réserves d’y voir Lamballe Côtes- d’Armor) appelée quelquefois à cette époque Castellum Lanna Pauli … » et cite divers documents qui font mention au XIVe siècle, à Lamballe, de la maison du Temple ; cependant il mentionne que M. Le Men propose Saint-Pol de Léon appelé quelquefois Castel Paul. L’hypothèse d’A. de Barthélémy est contredite par les études récentes concernant l’affirmation que Lamballe aurait porté anciennement le nom de Lann Pol. Stephan Morin, dans son étude Lamballe et Penthièvre aux XIe- XIIe siècles entre mythe et réalité, (Mémoire de la SHAB, 2003) affirme que ce nom de Lan-Pol ne repose sur aucune source du Haut Moyen Äge (la plus ancienne mention du nom de Lamballe serait Lambala (Geslin de Bourgogne et A. de Barthélémy, Anciens évêchés de Bretagne). Il poursuit en rappelant que le seul argument vient d’une traduction systématique du vieux breton Lann par ermitage, traduction aujourd’hui discutée (Hubet Guillotel, le poids historiographique de la Borderie, Mémoire de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 2002, Tome LXXX, P 343-359). Par contre Castello Pauli s’applique bien à Saint-Paul-de-Léon à la date la plus ancienne donnée à la charte de Conan IV de 1182 : un acte du Saint- Siège daté du 2 avril 1387 mentionne bien Castro Pauli Leonensi en promettant ″des indulgences pour ceux qui contribueront à la restauration de l’hôpital de Notre-Dame à Léon″ (Reg. Avignon 247, f° 420-Mollat).

Faut il y voir une coïncidence mais l’histoire mentionne que Taulé fut le théâtre d’une lutte entre Guyomard IV, comte de Léon, et le duc de Bretagne Conan IV qui s’empara du site en 1166. Durant ce même Moyen Age , au XIIe siècle, en Taulé, un des système défensif du Pays de Léon était l’éperon barré de Castel an Trebez (que l’on traduit par le château du trépied, mais nullement par le château de Paul ….).

Sur la base de ces divers éléments nous donnons la préférence au choix fait par les Hospitaliers et plus tard M. Le Men qui voyaient dans l’appellation ‟Elemosina de castello Pauli″ la ville actuelle de Saint-Paul-de-Léon.

133

F. Colin ainsi que les Hospitaliers voient en ‟ coatrevar ‟ la commune actuelle de Coatreven dans les Côtes d’Armor. Quant à A. de Barthelemy il n’avait donné aucune traduction de ce lieu.

136

Les Hospitaliers affirment au XVIIIe siècle que leurs biens en cette paroisse sont d’origine Templière et que ‟ Trevoelan ‟ qui figure dans la chartre de Conan IV de 1182 est Trévoazan en Prat.

Par contre Anatole de Barthelemy (1872), Guilllotin de Corson(1902), François Colin (2001) reprennent l’hypothèse de M. Longnon qui proposait, au XIXe siècle, pour cette dénomination Treffléan dans le Morbihan (paroisse qui aurait porté le nom de Tréflégan en 1387 et de Tréveléen en 1397).

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G. de Corson s’est orienté pour ‟ Elemosina de gouelou‟ vers Vildé-Goëllo dans la commune de Quévert. Il indique s’appuyer sur l’hypothèse de A. de Barthelemy et Geslin de Bourgogne (dans Anciens évêchés de Bretagne, VI, p137) pourtant quand on consulte l’étude de A. de Barthélémy (dans bibliothèque de l’école des chartes, année 1872, volume 33, numéro 1, pages 443 à 454) on ne trouve nullement cette mention, ce dernier n’ayant fait aucune hypothèse pour cette dénomination.

Quant aux Hospitaliers ils traduisent cette mention par : Plélo et Bocqueho.

Si l‘on veut voir dans ‟ gouellou ‟ le Goëlo c'est-à-dire le pays de Bretagne constitué par le nord-ouest de l’ancien évêché de Saint Brieuc ce n’est pas incohérent. A noter encore l’existence en Plélo d’un lieu dit nommé château-Gouëlo ce qui milite également en faveur de l’hypothèse précédente. En Plélo et Bocqueho les rentiers et terriers des Hospitaliers garderont la trace de possessions jusqu’à la révolution de 1789 dont entre autre la chapelle de Saint-Jean du Temple ainsi que le moulin du Temple qui existe toujours, même si remanié, en 2015.

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Pour la période du XVIe siècle au XVIIIe siècle nous n’avons pas trouvé trace de possessions Hospitalières qui justifieraient le rapprochement fait par A. de Barthelemy entre ‟La verger a ploehmic‟ et le lieu dit actuel Le Verger en Plémy.

Quant à la commanderie de la Feuillée il n’est guère surprenant de constater que ses représentants au XVIIIe siècle cherchent dans la liste de leurs possessions celle dont la dénomination serait proche des noms de lieux figurant dans la charte de Conan IV d’où le choix fait de villages en la paroisse de Plouhinec pour ‟ La vergier a plohehune ‟ qui figure dans la copie de la charte qu’ils analysent.

COMMENTAIRES EN GUISE DE CONCLUSION


L’analyse de l’étude faite par les Hospitaliers au XVIIIe siècle nous parait orientée. En effet elle se limite à une recherche des dénominations des noms de lieux qui figurent dans les chartes de Conan IV qui pourraient correspondre avec des biens que la commanderie de la Feuillée possède à la date de la dite étude.

Pour autant elle me parait aussi fondée que les études faites ultérieurement par les historiens au XIXe et XXe siècles.

Nous avons attribué cette étude aux Hospitaliers, ou à l’un de leurs fermiers généraux, pour plusieurs raisons :

  • Les documents sont intégrées aux archives de l’ordre de Malte conservées aux archives départementales des Côtes-d’Armor.

  • La formulation utilisée pour justifier de la correspondance entre le nom figurant dans la charte et le nom actuel d’une paroisse ou trêve nous donne à penser que l’étude a été rédigée par le ″possesseur des biens″. Très fréquemment est utilisée une phrase du type : X veut dire Y où il y a du bien. Ou encore plus précis : X veut dire Y ou il y a une chapelle.

L’intitulé de l’étude de François Colin me parait très judicieux et exact. « Quand l’historien doit faire confiance à des faux : les chartes confirmatives de Conan IV, duc de Bretagne, aux Templiers et aux Hospitaliers.. ».

Le premier point à prendre en compte est que ces chartes sont apocryphes et donc des faux.

L’analyse des différentes études de ces chartes réalisées par Arthur de la Borderie, Anatole de Barthélémy, Guillotin de Corson, François Colin nous rappelle que les attributions des différentes dénominations par ces historiens sont pour la plupart des hypothèses et non des certitudes. Il n’est que de relire le compte-rendu de la séance du 17 septembre 1873 à Quimper, à l’occasion du congrès de l’association bretonne d’archéologie, où fut présentée par messieurs Le Gall et l’abbé G. de Corson l’étude réalisée par A. de Barthélémy des chartes de Conan IV publiée et publiée en 1872. Au cours de cette présentation on est loin d’un consensus quant aux interprétations présentées par A. de Barthélémy alors même que ce dernier en a retenu un certain nombre qui sont celles de plusieurs des participants du dit congrès .

Il ne faut pas oublier que dans ces chartes les noms bretons des différents lieux cités ont été latinisés, que l’on ne possède que des copies des chartes d’origine et que toutes les copies que l’on a retrouvées de ces chartes nous font percevoir que les copistes successifs ont accumulé à l’envie des erreurs de transcription.

A l’heure où fleurit la communication (internet entre autre), où toutes les communes voulant développer le tourisme sur leur territoire ont édité des plaquettes et ouvert des sites internet qui présentent l’histoire ″supposée″ de leur commune, l’on constate que ces chartes sont sans cesse mises en avant comme élément factuel, certain, que sur leur territoire il y avait une commanderie, une chapelle, une aumônerie Templière ou Hospitalière ou les deux…

A chaque fois est mise en avant une phrase du genre « la commune de xxx est citée dans la charte de 1160 ou de 1182… ». et de ce fait pour tout lecteur, non spécialiste de l’histoire de cette époque, il s’agit donc d’une certitude.

Les Templiers et même les Hospitaliers sont l’objet d’une telle curiosité et nimbés d’un tel mystère que nos historiens amateurs veulent découvrir leurs traces dans toutes les communes ou recoins de leur territoire. Et l’on relève sans cesse : « telle église, chapelle, croix, moulin, tas de cailloux … est d’origine Templière, Hospitalière …. ».

De plus il est souhaitable d’avoir présent à l’esprit que si l’on recherche réellement l’origine première du bien, et non seulement quel fut l’ordre religieux qui le posséda avant la suppression de l’ordre du Temple, nombre de ces biens furent des dons faits à ces ordres religieux.

Yves Le Moullec (9 septembre 2015, révision de l’étude initiale du 20 mars 2013)

[1] Yves Le Moullec, Le Palacret histoire d’une commanderie en Basse-Bretagne, auto-édition imprimerie Roudenn Grafik, 2015.

ANNEXES

Annexe 1

Folio 1 de la charte de confirmation des chartes de Conan IV par Pierre II ; support ayant servi au XVIIIe siècle à l’étude réalisée par les Hospitaliers.

Résumé du contenu de la charte de Pierre II, duc de Bretagne, comte de Montfort et de Richemont

La charte de Pierre II confirme en reprenant textuellement leur contenu les chartes suivantes :

    • La charte de 1141 de Conan III fils d’Alain IV qui fait don aux Templiers de l’île de la Hanne (aujourd’hui prairie des Mauves en Nantes) et un emplacement à Nantes pour y construire une maison.

    • La charte de Conan IV de 1160 dans laquelle le duc confirme les possessions et dons faits aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en Bretagne. Les historiens ont démontré que cette charte était un faux, elle n’existe qu’à l’état de copie et sa plus ancienne version connue date de 1312.

    • La charte de Conan IV de 1182 dans la quelle le duc confirme les possessions et dons faits aux templiers en Bretagne. Les historiens ont démontré que cette charte était un faux, elle n’existe qu’à l’état de copie et sa plus ancienne version connue date 1451, faisant partie de la charte de confirmation de Pierre II.

    • La charte de 1201 de Constance (mère de Pierre de Dreux) qui confirme tous les dons faits aux Templiers par son arrière grand-père Conan III.

    • La charte de 1217 du duc Pierre de Dreux et de son épouse Alix confirmant toutes les donations faites aux Templiers par leurs prédécesseurs et leurs vassaux, avec l’immunité et la liberté qui leur avaient été accordées. En leur accordant en sus d’autres dons dans sept villes de Bretagne [ il s’agit de la seule charte authentifiée mentionnant quelques villes situées en Basse-Bretagne].

    • La charte de 1217 du duc de Bretagne, comte de Richemont confirmant les donations faites à l’ordre du Temple des landes et communes en leur possession et défendant d’inquiéter les chevaliers et leurs hommes dans la jouissance de leurs biens.

    • La charte de 1246 de Jean I, duc de Bretagne et comte de Richemont. Elle ne concerne pas la Basse-Bretagne mais la Loire-Atlantique et est relative à un four banal donné aux Templiers, en aumône, par Alain de la Roche (Allanus de Rochanno).

Annexe 2

Folio 1/3 de la synthèse de l’étude du XVIIIe siècle, AD22 H511.

Annexe 3

Folio 1/8 de la charte de confirmation des chartes de Conan IV par Pierre II, AD22 H511.

Copie datant probablement de la fin du XVIIe.