Notre objectif ici n'est pas de créer un site de référence concernant Zénaïde Fleuriot
si votre souhait est de découvrir la vie et l'oeuvre de Zénaîde Fleuriot je ne puis que vous conseiller de vous connecter sur le site de Daniel Carfantan ; site qui à mon sens est la référence sur ce sujet
lien vers ce site http://www.livre-sur-mer.com/zenaide/
ou
http://www.ecrivainsbretons.org/newsletter/breizh-deiz.html
nous avons seulement voulu mettre en avant les liens entre le site du Palacret et Zénaïde Fleuriot
- de 1812 à 1849 le moulin du Palacret fut la propriété de Jean Marie Fleuriot , le père de Zénaïde ,
d'abord la demeure de J. M. Fleuriot , puis sa résidence de vacances et à nouveau sa demeure à la fin de sa vie
voir présent site pour détails sur cette période 12- De 1806 à 1871 vie d'un moulin à blés
- le principal objet de la présente rubrique est de présenter les liens intimes entre Zénaïde et le Palacret à travers ses souvenirs et sa présence au Palacret
Daniel Carfantan a eu l'amabilité de me transmettre sur ce sujet divers courriers entre Zénaïde et sa soeur Marie ( pour lecture veuillez ouvrir le fichier joint ci -dessous en cliquant sur afficher )
Généalogie de Zénaïde Fleuriot quelques informations en complément de celles figurant dans l’article d’Henriette Herland (bulletin de liaison du CG22 N° 139 – juillet 2023)
Faisant suite au bel article d’Henriette Herland sur Zénaïde Fleuriot dans le bulletin de liaison N° 139 du Centre Généalogique des Côtes-d’Armor et à ma réponse sur le forum CG22 j’ai été contacté par Nelly Vincent. Elle souhaitait savoir si elle pouvait publier ma réponse dans le bulletin de liaison et si je souhaitais y apporter d’éventuels compléments. De cette discussion a émergé l’envie de développer, de compléter ce que les différents articles ou biographies ayant trait à Zénaïde Fleuriot n’avaient fait qu’aborder. Ma famille ayant vécu sur le site du Palacret de 1871 à 2001, dont une grande partie fut une des propriétés du père de Zénaïde de 1812 à 1849 j’avais, à maintes reprises, été ‟confronté” à Zénaïde Fleuriot lors de mes recherches pour l’écriture de mon ouvrage sur la commanderie du Palacret et surtout celui sur le moulin puis teillage de lin du Palacret[1].
Pour ceux qui souhaiteraient approfondir leur connaissance de Zénaïde Fleuriot et son œuvre je ne puis que leur suggérer l’ouvrage magistral de Daniel Carfantan : Zénaïde Fleuriot une romancière bretonne du XIXe siècle(A1). Je rappelle en annexe une bibliographie la concernant(A2), et la liste de ses ouvrages qui sont conservés sur le site du Palacret(A3).
Avant d’entamer les développements concernant Le Palacret, Zénaïde et sa famille juste un commentaire[2] quant aux écrits de Zénaïde Fleuriot : « Il faut resituer son œuvre dans un XIXe siècle très agité où les Républicains voulaient donner accès à l’éducation au peuple et où le clergé, la bourgeoisie et les royalistes souhaitaient conserver leurs privilèges.
Zénaïde a orienté son œuvre à la fois dans des livres romanesques et éducatifs, qui faisaient la promotion de modèles à suivre et à reproduire. Elle fut en quelque sorte l’un des piliers de ce qu’on appelait « l’école des gouvernantes » qui regroupait des femmes écrivaines porteuses de la morale chrétienne et qui proposaient une lecture inoffensive. Elle s’inscrit volontairement, à l’image de son père, dans un courant de lutte antirépublicaine et très conservatrice. La littérature de Zénaïde Fleuriot était reconnue dans les milieux bien-pensants. Elle s’exprime en les termes suivants à propos des écoles laïques :« La franc-maçonnerie et l’athéisme ont créé à Paris beaucoup d’écoles professionnelles où s’enseigne cette morale sans dogme qui a été appelée avec raison une justice sans tribunaux … Dans leur implacable haine de Dieu, les libres penseurs redoublent leurs efforts … Mais les catholiques ont serré leurs rangs ; et pour répondre à cette provocation, nous appelons à nous toutes ces petites déshéritées dont nous tâcherons de faire de solides chrétiennes, de bonnes mères de famille et d’habiles ouvrières».
[1] Moulin à grains transformé par ma famille en 1871 en un teillage de lin.
[2] Extrait de : Sur les traces de Zénaïde Fleuriot par Daniel Carfantan en collaboration avec Yves Fleuriot et Yves Le Moullec, Terre du Trégor, 2011, 45 pages.
Quelques précisions quant à la jeunesse de Jean-Marie Fleuriot
Selon les registres paroissiaux l’arrière-grand-père de Jean-Marie portait le patronyme de Flouriot ainsi que Marguerite, Pierre et François ses trois premiers enfants par contre le dernier, Jean, est inscrit sous le patronyme de Fleuriot. Pierre le grand père de Jean-Marie Fleuriot bien qu’inscrit à sa naissance sous le patronyme Flouriot est noté Floriot pour le premier ban de son mariage mais Fleuriot pour les 2 suivants ainsi que sur son acte de mariage ; mais sa première fille Louise porte le patronyme Flouriot sur son acte de baptême tandis que ses 5 enfants suivants seront bien baptisés sous le nom Fleuriot. A compter de cette date le patronyme Fleuriot reste bien fixé.
Marie Rolland[1], la mère de Jean-Marie Fleuriot, décède à Plougonver, le 3 janvier 1781, à cette date Jean-Marie n’a que 8 mois. Le début de la vie de Jean-Marie ne débute pas sous les meilleurs auspices. Très jeune il est placé chez son oncle maternel l’abbé Jean Sébastien Rolland[2]. La période la plus cruciale débute alors que l’abbé est devenu recteur de Trébrivan, sa paroisse de naissance, et que la révolution de 1789 est à son paroxysme. L’abbé en un premier temps semble s’être accommodé des principes de la déclaration des droits de l’homme et s’assermente[3]. Devant les débordements des révolutionnaires et la condamnation de la papauté il se rétracte en 1792. Cependant il ne s’exile pas ainsi que la loi l’imposait sous peine de mort. Il célèbre divers actes religieux, comme le mariage suite auquel il fut dénoncé par le marié lui-même et en conséquence arrêté le 2 mai 1794. Il est arrêté en même temps son beau-frère Julien Cazeillat[4] qui l’avait hébergé et caché. Ils sont conduits à Brest, l’acte d’accusation est rédigé le 12 mai 1794, ils sont condamnés le 14 mai 1794. Jean-Sébastien Rolland est condamné à mort et guillotiné le même jour sur l’échafaud devant le château de Brest ; Julien Cazeillat est condamné à la déportation à vie[5]. En conséquence Jean-Marie Fleuriot qui n’a encore que 14 ans va en un premier temps se réfugier chez un autre de ses oncles avant de rejoindre son père à Plougonver. Son père soutien plutôt les révolutionnaires, après avoir été pendant 10 ans dans la garde française il y exerce la fonction de juge de paix. Jean-Marie marqué par l’éducation que lui a donnée l’abbé Jean-Sébastien Rolland et l’exécution de ce dernier ne s’entend pas avec son père et décide de s’engager dans l’armée. Il ne reverra plus son père qui fut assassiné par les chouans. L’ouvrage de Jean Masson cité ci-avant nous en fournit très probablement la solution. L’abbé Corbel fut arrêté le jour de Noel 1797 à Locarn par Théo Vauchel agent municipal de Duault. Le commissaire jacobin Fercoq dans sa lettre d’accusation transmise à l’administration mentionne : ‟ Pierre Corbel, ex-prêtre dont le nom est inscrit sur la liste des émigrés et qui s’était rendu lors de la pacification des chouans. Je ne crains pas de vous assurer que ce prêtre est dans ce pays un des hommes le plus dangereux qui puisse exister. On l’accuse dans le public d’avoir été l’an IV, assassin du curé de Pont-Melvez, de celui de Plougonver, de Fleuriot d’idem, de Denis de Duault [6]”. L’abbé Pierre Corbel fut condamné par la commission militaire constituée conformément à la loi du 19 fructidor an V et guillotiné le 6 Janvier 1798 à Saint-Brieuc. Sa condamnation à mort portait sur le fait que la loi du 25 brumaire an III stipulait que les prêtres insoumis avaient interdiction d’être présents sur le territoire français, qu’il figurait bien sur la liste des émigrés du département des Côtes du Nord et même sur la liste générale des émigrés français.
Jean-Marie Fleuriot va rester une douzaine d’années dans l’armée française[7]. Il s’est engagé dans un régiment de volontaires en l’an III. Il participe à la campagne d’Italie menée par le général Bonaparte en Italie du Nord et en Autriche de mars 1796 à avril 1797. En l’an IX il incorpore le 27 e régiment d’infanterie légère. Il participa à la bataille d’Austerlitz en 1804. En 1806 il démissionne de l’armée suite à une ophtalmie.
Jean Marie Fleuriot et sa fille Zénaïde
Zénaïde avait pour son père une tendresse passionnée, dont on retrouve l'expression dans la page émue qu'elle consacra plus tard à sa mémoire, en lui dédiant, en 1877, son livre Miss Idéal: « Je ne l'ai connu qu'en cheveux blancs, de haute taille, courbé sons le poids de la vie; et cependant il a été le premier juge de mes œuvres littéraires.
Je feuilletais avec lui les pages jaunies des écrits de sa jeunesse; je lisais la grave correspondance qu'il avait entretenue en 1806 avec un intendant général du royaume de Bavière; j'aimais à lui entendre raconter sa vie fort accidentée par le malheur des temps. Deux de ces faits sont restés gravés dans ma mémoire sa soumission quand son père, magistrat austère, lui commanda de se mêler à quatorze ans, au mouvement militaire qui ensanglantait l'Europe; son désintéressement quand, longtemps après, il accepta de défendre des accusés politiques qui ne trouvaient pas d'avocat. Et c'est parce que je sais aujourd'hui ce que valent le respect de l'autorité et le désintéressement, que je dédie ce livre à sa mémoire».
Toujours pour suivre Zénaïde dans ses correspondances avec sa sœur Marie et tenter d’avancer dans l’interrogation d’Henriette Herland quant aux liens entre les parents de Zénaïde et la famille Royou. Le 19 octobre 1873 Marie Fleuriot écrit à sa sœur Zénaïde une lettre dans laquelle elle fait mention de leur parenté avec l’abbé[8] et l’avocat Royou « tu
sais l’abbé Royou était le beau-frère du journaliste Fréron[9] immortalisé moins par le haineux quatrain de Voltaire que par sa lutte héroïque avec les encyclopédistes ». En retour Zénaïde lui répond : «Notre père m'avait souvent parlé de cette famille Royou de Quimper à laquelle il se rattachait par une parente éloignée, du côté de sa mère Marie-Anne Rolland L'abbé Royou était en effet le beau-frère de Fréron, et j'aimais à voir citer dans mon Traité de littérature, comme type parfait d’épigramme, celle que Voltaire lança contre notre parent :L'autre jour, au fond du vallon, un serpent mordit Jean Fréron;
Que pensez-vous qu'il arriva?
Ce fut le serpent qui creva.
Le philosophe de Ferney ne semble pas, dans ce quatrain, regarder comme inoffensive et sans valeur la spirituelle et mordante polémique du journaliste chrétien ».
Une première preuve de la forte proximité de la famille Royou avec la famille Rolland nous est apportée par la nomination de Jean-Sébastien Rolland, frère de Marie-Anne Rolland en tant que curé de Trébrivan sa paroisse de naissance. Le précédent curé de la paroisse de Trébrivan est Charles Alain Royou[10], bachelier en Sorbonne, lequel le 3 août 1786 fait sa résignation en cour de Rome en faveur de Sébastien Rolland[11]. Suite à quoi Sébastien Rolland fut officiellement désigné par son évêque le 18 octobre 1786. Il prit possession de sa cure le 4 janvier 1787 et y fut installé par Guillaume Floyd vicaire général de l’évêché de Quimper et recteur de Plusquellec.
[1] Marie Rolland est la seconde épouse de François-Marie Fleuriot le père de Jean-Marie Fleuriot, la première fut Françoise Hamon.
[2] Ordonné prêtre en 1774, en un premier temps vicaire de la trêve de Locarn.
[3] Auguste Le Masson (abbé), Les actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc mis à mort de 1794 à 1800, imprimerie Prud’homme, Saint-Brieuc, 1927.
[4] Julien Cazeillat né à Locarn, cultivateur, a épousé à Maël-Carhaix le 20 juin 1785 Jacquette Rolland, cette dernière sœur de Marie et de l’abbé Jean-Sébastien Rolland. Jacquette Rolland avait eu auparavant 2 autres époux Pierre Jézéquel puis Louis Guillemot.
[5] Ceux qui cachaient les prêtres non assermentées alors que ces derniers auraient dû eux-mêmes émigrer hors de France subissaient en principe cette même condamnation. Daniel Carfantan mentionne dans son ouvrage sur Zénaïde Fleuriot que Julien Cazeillat périt dans un des bateaux que les révolutionnaires coulèrent chargés de prisonniers dans la Loire.
[6] Un rapport de Merlin de Douai, ministre de la justice, en date du 21 février 1796, mentionne que les colonnes infernales commandées par Delangle, Bois-Berthelot fils, Kerautem et Thomas fils du receveur du duc de Langle, occirent à Pont-Melvez le citoyen Le Borie curé constitutionnel, Le Béchec curé constitutionnel de Plougonver et Perrennès curé constitutionnel de Laniscat. ( Archives BnF AF III, 46).
[7] René Kerviler, Bio-bibliographie bretonne, tome XIV, Librairie générale de J. Plihon et L. Hommay, Rennes, 1903.
[8] Thomas-Marie Royou né à Quimper le 26 janvier 1743, prêtre, journaliste politique, adversaire des philosophes, fondateur de l’Ami du Roi entre 1790 et 1792, professeur de philosophie au lycée Louis Le Grand.
[9] Elie Catherine Fréron né à Quimper le 20 janvier 1718 journaliste polémiste, critique littéraire, rendu célèbre par sa revue L’année Littéraire, mort à Montrouge le 10 mars 1776. Le 21 janvier 1751 il épouse une jeune quimpéroise Thérèse Guyomar dont il aura 6 enfants. Une de ses filles, Louise Philippine, a épousé Jacques Corentin Royou le frère de Thomas-Marie Royou. Après de décès de Thérèse Guyomar Elie Catherine Fréron épouse, en septembre 1766, Anne Françoise Royou de Penarun la sœur de Thomas-Marie Royou.
[10] Charles Alain Royou né le 6 mars 1710 à Quimper, décédé le 10 février 1788.
[11] Auguste Le Masson (abbé), Les actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc mis à mort de 1794 à 1800, imprimerie Prud’homme, Saint-Brieuc, 1927.
Rapports et relations entre le Palacret et la famille Fleuriot
Le 2 mai 1812 Jean-Marie Fleuriot achète à Jean Le Guyader[1]« les moulins et dépendances du moulin du Palacret situés aux communes de Saint-Laurent et Bégard-Saint-Norvez consistant en maisons, usines, crèche, retraite à porcs, jardinets, bois, prairie, et rabines et généralement toutes les dépendances du dit moulin du Palacret appartenant au dit Le Guyader…. pour la somme de trois-mille-six-cents francs ….et une rente annuelle …hypothécaire de trois-cents francs jusqu’à remboursement … ».
[1] Archives Départementales des Côtes-d’Armor - cote 3E16/17 étude de maitre Joseph-Marie Menguy notaire à Pabu : le 2 mai 1812 achat du Palacret par Jean-Marie Fleuriot à Jean Le Guyader.
Moulin du Palacret entre le XVe et le milieu du XIXe siècle, vue est, reconstitution Y. Le Moullec, dessin P. et M. Lepron.
. M. Fleuriot à cette date vit à Saint-Laurent et exerce à Bégard la profession de greffier de paix ; il a épousé en 1808, toujours à Saint-Laurent, Marie-Anne Le Lagadec, agricultrice.
Le site du Palacret, en 1812, reste encore découpé, entre plusieurs propriétaires.
Jean-Marie Fleuriot va alors entreprendre des travaux importants sur le bâti ; notamment la construction d’une nouvelle maison d’habitation. Les murs de ce bâtiment subsistent toujours de nos jours et constituent la partie nord de l’hébergement de 2023.
A partir de 1817 J. M. Fleuriot va pouvoir s’installer au Palacret. La même année y nait, Marie-Louise son cinquième enfant. Ses quatre premiers enfants ont vu le jour sur la commune de Saint-Laurent.
Entre cette date et 1820 il devient avoué et s’installe à Saint-Brieuc.
Le Palacret durant les vingt années qui vont suivre va devenir sa résidence de vacances.
Il cherche alors à reconstituer ce que fut le foncier de la commanderie du Palacret. Il rachète entre autre l’ex chapelle, puis la promenade dénommée l’allée de lauriers (sans les canaux d’eaux qui la jouxte) ainsi que divers terrains dans l’environnement proche.
Le descriptif du bâti ci-dessus appelle un commentaire du fait qu’il ne correspond pas à celui d’une demeure bourgeoise : les constructions sont très rustiques, se rapprochent bien plus des bâtiments de ferme que l’on devait trouver en maints et maints endroits de Saint-Laurent à la même époque. L’état des lieux[1] précise que les toits de l’habitation et de l’écurie étaient de chaume et que si ″ l’accès à l’habitation se faisait via un perron à douze marches de pierres…. ″ sur cette même façade il y avait une soue à pourceaux.
Rédigées à la même époque (de 1834 à 1843) les mémoires de Mathurin François Quémar, recteur de Saint-Laurent, confirment cet état des lieux. Le recteur note : ″ …il reste debout du Pallacret, à cette époque de 1843, mais dans un état ruineux, le moulin, une moitié de la chapelle employée à des usages domestiques, et quelques pans de murs qui entouraient les cours et jardins. Le château et édifices contigus sont démolis à l’exception d’une longère, depuis une huitaine d’années. On a construit sur les lieux des logements pour quatre ou cinq locataires et autres bâtisses dans le voisinage. La génération actuelle qui se vante d’en avoir visité et même habité ces appartements en publie la magnificence passée, mais n’y trouve plus qu’un amas de pierres considérable sous lequel elle voudrait démêler les fondements qui divisaient les salles, les bureaux, l’audience [l’auditoire où se serait tenue la juridiction du Palacret], l’hôpital, les pavillons et le reste … Au dit Pallacret, on voit encore que tout un journal de terre fut autrefois remué entre la rivière et le coteau oriental pour y creuser des étangs, lavoirs, viviers et fontaine par le moyen de digues et terrasses spacieuses bordées de futaie en alignement. Au milieu se voit toujours la dimension d’un jardin ou parterre que défendait une double fosse …″.
Je suis donc conduit à considérer que les souvenirs qui défilent dans les courriers écrits, en 1873, entre ses filles Zénaïde et Marie, soit près de vingt-cinq années après qu’elles aient quitté définitivement le Palacret, sont ceux vus par les yeux d’une enfant et ceux transcrits et enjolivés à travers la prose de l’écrivain que Zénaïde était devenue. Elle écrivit abondamment, essentiellement pour la jeunesse, puisque nous lui devons quatre-vingt-trois romans dont nombreux également publiés sous forme de feuilletons dans diverses revues.
Pendant 20 ans J. M. Fleuriot mène sa profession d’avoué à Saint-Brieuc. Mais simultanément, il cherche à élargir son patrimoine foncier, en faisant l’acquisition de nombreuses propriétés dans les Côtes-d’Armor : le Seuren, Hesnos, Rubriand (en Saint-Laurent), sa maison de Saint-Brieuc (19, Grande Rue-aujourd’hui 5 rue du maréchal Foch), Guen-Heric (en Trébrivant), Kervenal (en Kergrist- Moelou).
Cependant la vie de J. M. Fleuriot va évoluer. En effet, il est farouchement antirévolutionnaire et il n’accepte pas l’accession au pouvoir, en 1830, de Louis-Philippe. Selon les écris de sa fille Zénaïde, il assure la défense des accusés politiques qui ne trouvaient pas d’avocats. La conséquence de ses idées et comportements fut qu’il perdit progressivement les clients de son étude, et en final, dut se résoudre à vendre sa charge d’avoué.
Ses déboires professionnels vont avoir des conséquences sur le Palacret. En effet la réduction de ses ressources va le conduire à hypothéquer progressivement ses divers biens. Vers le milieu des années 1840 il doit se résoudre à quitter Saint-Brieuc pour se replier au Palacret.
En 1848 la fin est proche. Ne pouvant assurer le paiement des intérêts de ses emprunts, conformément aux stipulations des contrats souscrits, il est mis en demeure de régler le capital de 26000 francs dû à cette époque.
Après de nombreuses séances au tribunal civil de première instance de Guingamp (A4), la sanction tombe le 24 novembre 1849 : le Palacret est saisi au profit de sa créancière Madame Victoire Blaize de Maisonneuve (A5).
Il est certain que Zénaïde Fleuriot était en admiration devant son père et le parait de toutes les vertus et de ce fait était partiale, ce qui la conduisait à déformer ou interpréter certains faits. Sa lettre du 15 décembre 1852 mentionne ″... pauvre Palacret vendu 11050 francs …. en vérité c’est dérisoire … et l’acquéreur …. doit joliment s’enrichir … ″. Points sur lesquels elle se trompe : son père avait une dette de 26000 francs auprès de l’acheteur de 1849. La saisie achat ne va même pas couvrir le tiers de la dite dette. J. M. Fleuriot avait par ailleurs une autre hypothèque de 6000 francs sur le Palacret ; cette dernière hypothèque ne sera levée qu’en 1865 par l’acheteur de l’époque.
Jean-Marie Fleuriot n’eut pas connaissance de ce dénouement, en effet, il décéda quelques jours auparavant, à Saint-Laurent, le 9 novembre 1849.
La vie du moulin du Palacret sous Jean-Marie Fleuriot
Pour la période 1812 à 1849, si nous avons pu retrouver nombre d’éléments concernant le propriétaire, les informations recueillies concernant la vie du moulin à blés sur cette même période se réduisent à peu de choses. Les principaux renseignements nous sont fournis par les recensements de Saint-Laurent sur cette même période :
· En 1836 le meunier est Henry Trévia aidé par son épouse Françoise Urvoy et d’un valet François Le Mat.
· En 1841 le meunier en place est Yves Even. Sa présence semble de courte durée car en 1846 nous retrouvons François Le Mat associé à Jean-Louis Le Mat.
· Par contre malgré des recherches approfondies sur la période 1812-1849 je n’ai trouvé nulle trace de « Barbe la vieille meunière du Palacret et sa petite pipe noire» qui en 1873 est mentionnée dans les interrogations de Zénaïde à sa sœur Marie qui elle non plus n’en a pas souvenir. Il est donc probable que plus de 25 années après l’épisode évoqué il y a dans ce que Zénaïde se remémore quelque confusion et que la vieille Barbe, si elle a existé, n’a jamais été la meunière du Palacret.
Après ses déboires professionnels Jean-Marie Fleuriot se réinstalle au Palacret. La présence de sa femme au Palacret est mentionnée par le recensement de 1841 et la sienne par celui de 1846. Les minutes de l’audience du tribunal civil de Guingamp indiquent ″ Jean-Marie Fleuriot ancien avoué, propriétaire et meunier″. Le registre d’état civil de Saint-Laurent concernant son décès en 1849 indique, à la rubrique profession « cultivateur et meunier ». Sous la pression de la nécessité exerça-t-il réellement le métier de meunier dans ses dernières années ?
Une réponse définitive à cette question ressort de l’enquête, réalisée en 1848 " statistique de France-Industrie-les moulins ". En effet si cette enquête nous confirme bien que le moulin du Palacret fonctionnait en 1848 elle indique dans la rubrique meunier : "Fleuriot Jean-Marie fait exploiter ". Il s’ensuit que la mention, de meunier, portée sur son acte de décès n’est pas rigoureusement exacte.
Cette enquête de 1848(A8) a pour objet, à partir d’un recensement complet des moulins et de leur production, de recalculer le montant des patentes que l’Etat entend appliquer à ces entreprises. L’étude des résultats de cette enquête va nous permettre de comprendre le fonctionnement, au milieu du XIXe siècle, des trois moulins situés sur la rive droite du Jaudy en Saint-Laurent et des trois autres moulins situés sur la rive gauche du Jaudy en Bégard.
Le premier constat est que ces moulins ne vendent pas de farine mais travaillent toujours à façon, comme sous l’Ancien Régime. Les habitants du voisinage viennent faire moudre leurs grains au moulin moyennant un prélèvement par le meunier de " 8 pour 50 kg " ; c'est-à-dire le même prélèvement qu’à l’époque où le moulin appartenait aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Ce mode de fonctionnement explique la protestation des meuniers quant au nouveau mode de calcul de la patente qui prend en compte comme élément de base la quantité de farine produite. Jean-Marie Fleuriot, propriétaire du moulin du Palacret, note dans ledit rapport que le gouvernement n’a pas perçu que les moulins de campagne n’achètent pas le grain et ne vendent pas de farine, mais travaillent à façon.
[1] Source Archives départementales des Côtes-d’Armor, cote 3E 59/ 84-Etude de maître Colcanap notaire à Kermoroch : le 21 mars 1850, état des lieux du Palacret en Saint-Laurent.
L’analyse des grains moulus au moulin du Palacret et dans les moulins voisins nous permet de comprendre les cultures et consommations locales :
On ne retrouve pas de farine d’orge ni de seigle.
Il y a très peu de froment (2 à 3%).
Le blé noir représente environ 20 à 25 %.
L’avoine est au même niveau de 20 à 25 %.
Le méteil (mélange de blé et de seigle) domine nettement et représente plus de 50 %.
Annexes
A1- Daniel Carfantan : Zénaïde Fleuriot une romancière bretonne du XIXe siècle, Edition Henri des abbayes (33, rue nationale 35300 Fougères), 2018, 268 pages. L’auteur a su mettre en avant les origines familiales de Zénaïde Fleuriot, sa vie, sa personnalité, son style, ses influences et son regard sur la société. Il décrit la peinture de la société bretonne faite par Zénaïde Fleuriot et notamment à Locmariaquer et ses environs que Zénaïde a découvert à la mi-août 1872, où en 1873 elle décide de construire une maison qu’elle nomme Kermöareb (la maison de tante) et où elle passera 18 étés. Daniel Carfantan, grâce à un travail de recherche approfondi, nous fait bénéficier des commentaires que Zénaïde Fleuriot fit sur les auteurs, notamment ceux de son époque ainsi que les commentaires de ceux qui « parlèrent » de son œuvre. Il analyse la thématique de son œuvre et développe cette approche pour chacun de ses 83 romans. Son travail explore encore ses publications dans les revues, ses éditeurs, ses illustrateurs, les traductions de ses œuvres…
A2- Bibliographie de Zénaïde Fleuriot : [1] Extrait de : Sur les traces de Zénaïde Fleuriot par Daniel Carfantan en collaboration avec Yves Fleuriot et Yves Le Moullec, Terre du Trégor, 2011, 45 pages.
A3- Ouvrages de Zénaïde Fleuriot disponibles au Palacret
A4- Procédures judiciaires suite à la saisie des biens de Jean-Marie Fleuriot
· AD22, cote 3Q1652 : enregistrement de l’adjudication du 31 mars 1849 de Guen-Harric en Trébrivant : ancien propriétaire Jean-Marie Fleuriot, nouveau propriétaire Madame Victoire Blaize de Maisonneuve, montant 5573 francs.
· AD22, cote 3U2/38 : tribunal civil de Guingamp–audiences des criées.
Minutes : Audience du 13 février 1849 (François Fleuriot, avocat à Lannion, défenseur de son père Jean-Marie).