23 - Simon d'Aubigné de Boismozé

Originaire du diocèse d’Angers, reçu chevalier en 1573.

 Jehan Pelletier, le 24 avril 1587, attribue la ferme générale de la commanderie de la Fueillée Pontmelve et Palacret et leurs deppendances pour le temps de cinq ans montant a la somme de cinq mil six cens soixante et six escus deux tiers par argent ou quittance avec protestation de tous despens domaiges et interestz[1] à Yves de Botmeur et René Chaillou pour la période  du 1 mai 1587 au 30 avril 1592. Le 26 avril 1587, Jehan Le Pelletier, en tant que procureur du commandeur Jean Ysoré, obtient le versement des reliquats du précédent contrat.

 Le 7 décembre 1588[2] le frère Simon d’Aubigné de Boismozé est pourvu de  grâce magistrale de la commanderie de La Feuillée. Lors de cette attribution le grand maitre et cardinal Hugues Loubens de Verdalle a chargé la commanderie de La Feuillée d’une pension annuelle de 60 écus attribuée au frère Claude de Lignière du Damaillon[3] .  Simon d’Aubigné la rachètera par contrat du  6 mai 1593, au frère Claude de Lignière du Damaillon, pour 200 écus.

A priori Le nouveau commandeur a conservé le contrat de fermage établi par Jehan Pelletier pour la période 1587-1592.

Simon d’Aubigné  sera encore le  3 mai 1599[4]  mentionné lors du chapitre provincial en tant que commandeur de La Feuillée et du Guélian.

Lors du chapitre provincial du prieuré d’Aquitaine qui, du fait de la guerre de la Ligue, s’est tenu le 6 mai 1590 en la ville de Tours et non à Poitiers,  il est mentionné en tant que  commandeur de la Feuillée et de Guélian[5]. Il devient de plus en plus flagrant que la prolongation en Bretagne de la guerre de la Ligue a de fortes répercutions sur le fonctionnement des commanderies bretonnes. Il est possible que le choix d’Yves de Botmeur, ligueur affiché, en tant que fermier général de la commanderie de la Feuillée, soit à l’origine de la décision du duc de Mercoeur de prononcer, le 8 novembre 1591,  la main-levée sur les biens confisqués  du commandeur de la Feuillée, comme biens appartenant à un ennemi de la sainte Union[6].  Quelques années plus tard, la guerre se poursuivant, le frère Simon d’Aubigné obtient, le 6 mai 1596,  que le prieuré d’Aquitaine sollicite les ambassadeurs, députés auprès de sa Majesté pour les supplier de réécrire a Monsieur de Mercoeur pour qu’il donne la jouissance des commanderies qui sont en Bretaigne sous son obéissancelm,[7]. Pour autant la poursuite de la guerre de la Ligue a des conséquences désastreuses sur les revenus de la commanderie de la Feuillée. En 1596 Yves de Botmeur  n’a pu  assurer la totalité du  paiement des 5666 écus prévus par le contrat de fermage pour la période 1587 à 1592, ni les montants  prévus pour la prolongation du nouveau contrat[8] pour les années 1593 et 1594 et ce à cause des malheurs de la guerre et les ravages qui auraient emporté les dites années la plupart du revenu des dites commanderies . Et notamment en l’an 1594  les trois armées les unes après les autres y ayant séjourné longtemps.  En conséquence le 6 août 1596 Simon d’Aubigné a engagé une procédure[9] contre Yves de Botmeur prétendant à faire constituer prisonnier noble homme Yves de Botmeur  et à faire saisir ses biens faute de paiement de la totalité de ses fermages. En final afin de ne pas se lancer dans une longue procédure les deux protagonistes vont convenir d’un compromis : le sieur de Botmeur s’engage à verser au commandeur  la somme 1200 écus en 2 termes sur l’année à venir et à engager en tant que procureur spécial du commandeur  une procédure contre les héritiers du  défunt sieur Chaillou deuxième titulaire du contrat de fermage.

Tout au long de la guerre de la Ligue les revenus des commanderies du prieuré d’aquitaine ne vont cesser de se dégrader  et les commandeurs ont de plus en plus de difficultés à payer leurs charges. Aussi lors du chapitre provincial  commencé le 2 mai 1594 l’ensemble des commandeurs unanimement font rédiger une supplique à l’intention du grand maître de l’Ordre et des sieurs du chapitre général, chapitre  devant débuter à Malte au mois de novembre suivant : et par ce qu’il est notoire que les commandeurs du prieuré d’Aquitaine ont étés plus affligés, ravagés par les guerres… que aux autres de tout le royaume et ont souffert sans comparaison beaucoup plus de pertes et désolations ces six dernières années. Qu’elle malheureusement a recommencé plus après, plus cruelle … tout achevé de ruiner sans espérance…  Les commandeurs à leur très grand regret demeurent débiteurs à votre Commun Trésor de plusieurs sommes… et n’est pas possible qu’ils puissent payer les charges d’icelles qui excèdent et de beaucoup le revenu des commandeurs … De pouvoir remettre s’il ne plait à votre seigneurie illustrissime et sieurs du chapitre, de vouloir décharger pour le moins de l’impôt cinquante mille écus et de tenir quitte du passé afin que lesdits commandeurs puissent parvenir aux honneurs et dignités seules récompenses de leur longs et laborieux services dont ils sont privés par la seule pauvreté qui les a fait tomber en tel mépris… .

Quatre années plus tard les difficultés et ruines n’ont cessé de s’accumuler. Et le 6 mai 1598, Simon d’Aubigné  toujours commandeur de La Feuillée et du Guélian,  en tant que receveur du prieuré d’Aquitaine, fonction qu’il assure depuis l’année 1591, déclare qu’à cause de la guerre il lui a été impossible recueillir  tant les deniers qui sont dus à notre ordre que les papiers actes et procédures servant pour faire les comptes[sur toute cette période Simon d’Aubigné a vécu non pas sur sa commanderie du Guélian ni celle de La Feuillée mais en la ville d’Angers], il n’a pu faire ses dits comptes pour les remettre à notre assemblée et attendu qu’il n’a aucune charge de la recette pour faire sa consignation qu’il était prêt de faire si aucun se fut présenté. Il lui faut donner acte de sa remontrance pour soit même lorsqu’on le voudrait contraindre après les six mois de terme de sa missignation [mission] d’aller à Malte. La quelle acte lui a été écrite.

Pour mieux percevoir la catastrophe que fut la prolongation de la guerre de la Ligue en Bretagne il est intéressant de l’analyser à travers un regard autre que celui des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. La description faite par un témoin de l’époque,  le chanoine de Quimper Jean Moreau[10], est particulièrement édifiante : L’année de la paix en Bretagne, qui fut l’année 1597, la cherté des vivres fut fort grande en Bretagne (…), qui fut cause qu’un grand nombre du menu peuple, tant à la ville qu’aux champs, pâtirent beaucoup, et bonne partie moururent de nécessités (…), à cause de la ruine générale et de la dépopulation des champs par les gens de guerre. Et fut la misère si grande ès quatre années quinze, seize, dix-sept, dix-huit, par les quatre fléaux de Dieu, par lesquels il châtie son peuple contre lequel il est irrité, guerre, peste, famine et bêtes farouches (…).

La guerre apporta la famine puis la peste à ce qui échappait à la cruauté des soldats, ou plutôt des brigands (…) mais contre la faim il n’y a pas de fuite (…)le tout étant emporté par les gens de guerre ; si bien que les pauvres gens n’avaient pour retraites que les buissons où ils languissaient pour quelques jours, mangeant de la vinette [oseille sauvage] et autres herbages aigrets (…) et ainsi mouraient dedans les parcs et fossés, où les loups les trouvant morts s’accoutumèrent si bien à la chair humaine que, dans la suite, pendant l’espace de sept à huit ans, ils attaquèrent les hommes étant même armés, et personne n’osait aller seul. On ne trouvait autre chose dans les fossés et par les chemins que morts de faim (…) partie déjà mangés des loups, et les autres tout entiers jusques à la nuit, qu’ils servaient de pâture sans qu’ils eussent d’autre sépulture(…).

Telles ruses de ces bêtes sont à peu près semblables à celles de la guerre, et mirent dans l’esprit du simple peuple une opinion que ce n’étaient pas des loups naturels, mais que c’étaient des soldats déjà morts qui s’étaient ressuscités en forme de loups, pour, par la permission de Dieu, affliger les vivants et les morts, et communément, parmi le menu peuple, les appelaient-ils en breton, tut–bleis, c'est-à-dire gens-loups [loups-garous autrement dit] ; ou que c’étaient des sorciers en ce pays comme en plusieurs autres contrées de la France (…).

Ces quatre fléaux desquels Dieu menaça son peuple rebelle et désobéissant à ses commandements, cette pauvre Basse-Bretagne a été bien désolée depuis l’an 1594 jusques à 1599, et ce en punition des pêchés des hommes, qui y étaient si débordés que l’on n’y savait plus prier Dieu (…) ″.

Une visite d’améliorissement bien préparée

Lors du chapitre provincial,  tenu à Poitiers à partir du 6 mai 1596, frère Simon d’Aubigné formule une requête qui ne manque pas de surprendre vu l’état des commanderies bretonnes décrit ci-avant : il requiert que lui soit donnée une commission pour établir les procès-verbaux des améliorissements et augmentations qu’il aurait réalisés dans ses commanderies de La Feuillée et de Guélian. Lesquelles commissions lui ont été accordées. Le même jour le grand prieur, Georges Regnier de Guerchy, établit une liste inhabituellement longue de 11  commandeurs et chevaliers commis pour la dite visite ou à deux d’iceux sur requis.

Il y a lieu de noter que le regroupement de toutes les commanderies de Basse-Bretagne s’est terminé entre 1570 et 1580  désormais à compter de ces dates toutes sont sous la houlette d’un seul commandeur: la commanderie de Pont-Melvez  fut rattachée  vers 1571  et Quimper-Corentin entre 1575 et 1580. Vont désormais se maintenir jusqu’à leur disparition définitive en 1792  trois entités que l’on peut qualifier de pôles de gestion à savoir la commanderie de La Feuillé, la commanderie du Palacret et la commanderie de Pont-Melvez. Ces 3 comptes étant ensuite consolidés sous l’égide d’un seul commandeur sous le nom de commanderie de la Feuillée avant transmission au prieuré d’Aquitaine. La visite va suivre ce découpage.

Visite du pôle commanderie de la Feuillée[11]

 Pour la commanderie de La Feuillée la visite débute à la Feuillée le 30 juillet 1596 menée par les commissaires  François de Lesmeleuc, commandeur de la Guerche, et Jean Le Sueur, commandeur de Quittay[12]  et ce en présence du commandeur Simon d’Aubigné.  Sont visités l’église de La Feuillée où officient Henry  Jézéquel curé de la paroisse plus 3 prêtres, la maison de l’Hospital, la maison et métairie de Kerberou. Va surtout être mis l’accent sur les moulins de Kerberou et de Kersalin  qu’ils vont visiter et qui furent abatus et et ruinés par les gens de guerre lors du siège de Morlaix[13]. Intervient alors Yves Quintin, le fermier et receveur de la commanderie afin de mettre en avant les 300 écus dépensés pour rétablir ces 2 moulins. Il va encore présenter les revenus de la paroisse à savoir : 46 livres par argent, 88 quartiers d’avoine, et 88 poules et la dîme en toute la paroisse à raison de la sixième et septième gerbe[14] desquelles le recteur prend de six gerbes une. Le commandeur et le fermier affirment qu’il n’y a pas d’autres revenus dans cette paroisse. Ils omettent la chapelle Saint-Ouardon, le moulin de Kerliou, l’alignée de maisons baptisée le manoir commandal, le droit de foire, les bois taillis, les lods et ventes au quart deniers sur les 88 quévaises (…).

Le lendemain, 31 juillet 1596,  les commissaires et le commandeur Simon d’Aubigné vont se déplacer pour contrôler  le membre de Mangault sur la paroisse de Comana où ils visitent  la chapelle Saint-Jean puis le moulin banal où une équipe de maçons s’active, comme par hasard, dans le cadre d’un marché  se montant à 21 écus. De retour à la commanderie le fermier précise qu’il a commencé, depuis le 1 avril 1595 le papier terrier de la commanderie, mais n’en a réalisé que 88 feuillets et n’a encore pu l’achever. Les commissaires chargés de la visite n’ont donc pas en mains de terrier listant tous les biens  leur permettant ainsi de suivre la visite et de savoir si des possessions ont été vendues ou spoliées.

Le 1 août 1596 les commandeurs se rendent au membre de Saint-Jean Balanan en la paroisse de Plouvien. Ils visitent la chapelle de Saint-Jean où le chapelain leur précise que le receveur lui laisse les offrandes qui y tombent. Le moulin est bien tournant en aval d’un étang avec 2 pièces de terre. Les commandeurs chargés de la visite  pour recouper leur enquête ont appelé trois honorables marchands de Quimper-Corentin. Ils notent dans leur procès-verbal que les revenus du membre sont composés de rentes et dîmes qui se lèvent dans les paroisses de Guillien et Gourin et que dans ces paroisses, ainsi qu’à Saint-Jean de Botlan  il n'y a aucun édifice ni maison appartenant à la commanderie de La Feuillée. Ces informations sont mensongères  en effet sur la paroisse de Dernec à 3 lieux de Quimper se trouvent le moulin  Saint-Jean de Botlan, la chapelle Saint-Jean de Botlan (où les terriers du XVIIe siècle mentionnent qu’il s’y lève quantités de charités), onze villages où il y seize quévaises, le tout dépendant de la commanderie de La Feuillée. Le premier jour le commandeur avait cité l’existence d’autres membres qu’à La Feuillée notamment Locquirec et Lanéanou. Les commandeurs  de Lesmeleuc et Le Sueur ont notés  sur le procès-verbal : plus avons enquis ledit Sieur commandeur et Quintin son fermier et receveur en quoi consistent  les revenus de Locquirec et Lanéanou. Nous ont dit qu’il n’y a chapelle, maison ou moulin ni autre subject à réparation, aussi consiste en quelques rentes.  Cette dernière affirmation est également suspecte du fait qu’à Locquirec l’église Saint-Jacques  appartient à la commanderie et qu’en la paroisse de Plouigneau existe l’église tréviale de Lan-Léanou.

Le 2 août 1596 les commandeurs se sont rendus à Quimper-Corentin.

Le procès-verbal de visite mentionne que sommes allés sur le lieu où estoit la chapelle fondée de Monsieur Saint-Jean et joignant icelle une maison. Lesquelles avons trouvées toutes déconstruites et ruinées. (…) Avons fait tenir devant nous honorables hommes…, avons fait jurer sur les Saints Evangiles et ont dit que au siège de la ville de Quimper-Corentin qui fut par feu le maréchal Daumont, les anglais et autres soldats démolirent ladite chapelle et maison étant au commandeur de La Feuillée[15]. (…). Sur quoi avons enjoint au Sieur commandeur de faire rédifier la chapelle en ceste année. Sur ce le commandeur a ordonné à son fermier et receveur ledit Quintin de la rédifier jusqu’à la somme de cent écus….

Commentaires sur la visite du pôle  gestion commanderie de La Feuillée

Simon d’Aubigné et son fermier Yves Quintin ont manifestement dissimulé l’essentiel des membres et dépendances du pôle commanderie de la Feuillée. Sans que cela soit exhaustif parmi les principales je citerai sur l’évêché de Cornouailles : En la paroisse de Plounevez du Faou 6 quévaises ; en la paroisse de Loperet 5 quévaises ; au bourg de Chateaulin 1 chapelle ; en la paroisse de Gourin 1 église et 25 quévaises ; en la paroisse de Scaer la chapelle Saint-Jean d’Ividy et la chapelle du Christ ; en la paroisse de Riec la chapelle Saint-Jean de Pontmen ; le membre de Saint-Jean de Beauvoir avec  1 chapelle ; en la paroisse du Faouet 1 église et le moulin de Kerambellec ; en la paroisse de Plévin la chapelle du Temple de Pouloudu…

Sur l’évêché du Léon j’ai déjà mentionné ci-avant quelques omissions ou désinformations.

Quant aux biens sur l’évêché de Vannes ils ont tout simplement été escamotés. Pour mémoire je n’en citerai que quelques un : en la paroisse de Redené la chapelle Saint-Jean de Léanou ; le membre de Saint-Jean du Temple sur la paroisse de Lubin en Pont-Scorf ; en la paroisse de Saint-Caradec  la chapelle de Senelin ; le membre de Saint-Jean du Croisty  avec 1 église appelée l’Hôpital du Croisty et 1 moulin,  plus 9 villages et 2/3 d’un autre soit 19 quévaises…

 

Visite du pôle commanderie du Palacret situé sur la paroisse de Saint-Laurent

Les visiteurs arrivent au Palacret le 4 août 1596, où ils rencontrent François Kerham deuxième fermier et receveur du commandeur Simon d’Aubigné. Yves Tallec  les guide lors de la visite de la  chapelle du Palacret où il assure des messes les dimanches, mercredis et vendredis. Le manoir commandal, le fournil, les écuries sont visitées. A côté un petit corps de logis est tout ruiné depuis longtemps. Mais le portail donnant accès à la seconde cour où se situe le manoir est refait à neuf  depuis un an, ce qui a coûté huit vingt éscus! Le moulin du Palacret, situé à un jet de pierre de la commanderie est trouvé en bon état.  Il est fait état de quelques rentes au bourg de Saint-Laurent situé à moins d’un kilomètre. Mais il est omis de préciser que l’église paroissiale de Saint-Laurent appartient à la commanderie ; la visite de 1605[16] qui note que le pignon a besoin de réparations pour être trop chargé dudit campanile permet d’en comprendre la raison.

La visite se poursuit à Louargat où 2 moulins sont visités  le premier, sans doute Keranfiol, est dit de bonne réparation, le second sans doute Keramilin où  les visiteurs y trouvent, sans doute opportunément ( ?), Guillaume Kerbiquer et Yves Corre maîtres maçons chargés de relever la muraille tombée depuis bien deux ans. Il est également noté qu’à Louargat se lève quelques rentes. Par contre ont été omis de préciser l’existance sur Louargat des possessions suivantes : l’église paroissiale, la chapelle et les halles de Saint-Eloi, la chapelle Saint-Michel, et 66 quévaises.

La dernière visite  est sur Trévoazan celle de  la chapelle du même nom  où le chapelain, Gilles Le Lagadec, leur précise en être pourvu depuis bien vingt ans et que le commandeur et le receveur lui laissent les offrandes. Le moulin de Trévoazan est de bonne réparation.

 

Commentaires sur la visite du pôle commanderie du Palacret

L’inventaire des possessions de la commanderie du Palacret que j’ai pu établir à partir des rentiers et terriers du XVIIe siècle peut se résumer dans le tableau ci-après.

manoirs 1; églises 6 ; moulins 10 ; quévaises 262 ; rentes diverses 182

L’ensemble des possessions de la commanderie du Palacret sont réparties sur 21 paroisses situées sur les départements actuels des Côtes d’Armor et le nord-est du Finistère. Il apparaît que la grande majorité des possessions ont été dissimulées ne correspondant probablement pas aux critères attendus d’amélioration, de préservation, d’augmentation.

Visite du pôle  commanderie de Pont-Melvez

Les commandeurs se rendent le 6 août 1596 sur la paroisse de Pont-Melvez. Simon d’Aubigné y fait état de très peu de biens. Seule est visitée l’église paroissiale. Ils observent  dans le bourg les ruines de la maison du commandeur qui est ‟depuis plus de quatre-vingt ans par terre‟. En sus  le commandeur leur a encore montré 3 moulins  qui sont de bonne réparation et 3 pièces de terre qu’on appelle franchises et sont utilisées librement par les paroissiens pour y faire pâturer leurs bestiaux.  Il précise encore qu’il n’y a aucun bois de haute futaie, ni bois taillis, ni étangs. Et que tous les revenus proviennent de rentes et dîmes. Ces éléments ne manquent pas de surprendre en effet la commanderie possède sur cette paroisse  des bois de haute futaie et taillis, 2 étangs et surtout cent dix quévaises réparties sur 23 villages, la quasi-totalité des paroissiens sont vassaux de la commanderie. Le procès-verbal mentionne pourtant : et pour mieux vérifier le tout avons appelé à nous Maurice Le Goff, Jean Frémic et Simon Kermelec, lesquels après nous avoir juré sur l’évangile de Dieu de dire vérité nous ont dit qu’ils ont ouï dire de tout temps que ledit commandeur de Pont-Melvez est fondateur de l’église paroissiale et qu’ils ont ouï dire que ledit commandeur ay aucun domaine en ladite paroisse que quelques franchises pour pâturer les bestiaux et trois moulins.

Le 7 août 1596 les commandeurs rejoignent le bourg de Maël et Louch où ils visitent l’église qui est en la présentation du commandeur. Le notaire chargé d’établir le procès-verbal note que selon  les habitants il n’y aucune maison, terres, bois, étang, qui soient du domaine de la commanderie. Informations encore confirmées par Bertrand Guével, Jacques Guével et Guillaume Cagec qui ont prêté serment de dire vérité.  Pour autant il ne s’agit pas là d’une omission mais d’une contre-vérité le membre de Maël et Louch possède en sus la chapelle long-Maria, la chapelle Coz-Iliz, le moulin Blavet et 14 villages avec 58 quévaises. Ce même jour le périple va se poursuivre sur la paroisse de Plélo par la visite d’un moulin (en omettant la chapelle du Temple), puis la paroisse de La Magdelaine, Kerody et Plouaret où seront contrôlés 2 chapelles et 2 moulins tous non nommés.  Puis de Plouaret ils ont fait retour au Palacret afin de poursuivre l’analyse des comptes et juridictions du Palacret.

Commentaires sur la visite du pôle commanderie de Pont-Melvez puis du retour au Palacret

Sans s’attarder sur les églises et chapelles non mentionnées ou non nommées lors de la visite du 7 août il ressort de cette partie du rapport que soit le notaire s’est embrouillé dans ses notes soit il s’agit d’une visite non faite et alors d’un faux intégral. En effet comment avoir pu la même journée visiter 6 sites, faire état de moulins et chapelles non nommées en bon état, et interroger des témoins, s’alimenter, et parcourir à cheval les distances  nécessaires pour relier ces 6 sites et retourner au Palacret, soit plus de  120 km en une journée ?

 

De retour au Palacret ils vont, hors de la présence de Simon d’Aubigné, interroger  4 voisins qui vont tous tenir le même discours avec les mêmes expressions que le commandeur ou ses fermiers : que la justice du Palacret est bien entretenue par les officiers dudit commandeur qui l’exercent une fois la semaine[17]. Et que le commandeur a deux fermiers l’un nommé Yves Quintin et l’autre François  Kerham qui sont de bien et fort soigneux et se faire payer des rentes. Et nous ont dit et juré qu’ils n’ont aucune connaissance que ledit Sr commandeur qui est à présent ai aucune chose déterrioré, vendu, ni alliéné. Mais au contraire augmenté le revenu, entretenu les lieux en bonne réparation et intenté plusieurs procès contre des particuliers qui lui devoit des rentes. En appui les fermiers receveurs vont présenter plusieurs procès engagés contre des vassaux n’ayant versé les charges prévues et ont juré avoir engagé 400 écus dans ces procédures. En final les commandeurs chargé de la dite visite d’améliorissement font noter : plus nous a montré le dit Sr commandeur  les sommes faites par feu frère Jean Ysoré de ladite commanderie de La Feuillée à onze cents écus et nous a montré les siennes à douze cents quatre vingt écus  qui se montent à près de deux cents écus de rentes d’augmentation.

 

Etablissement du procès-verbal de la visite d’améliorissement.

Suite au précédent retour au Palacret les commandeurs vont retourner à La Feuillée afin d’élaborer le procès-verbal officiel de la visite d’améliorissement. Dont ci-après le paragraphe de conclusion : Nous commisaires soubz signe certifions avoir veu et visité au doigt et à l’œil la commanderie de La Feuillée, membres, chapelles, et de tout ce qui en dépend. Auquel lieu avons trouvé que depuis qu’il est pourvu, qu’il n’a rien déterrioré ni diminué mais au contraire qu’il a bien augmenté et améliory ladite commanderie de La Feuillée. Et derechef avons fait faire le serment audit commandeur s’il nous avoit monstré toutes les appartenances et dependances de ladite commanderie. Lequel nous a accertené par serment nous avoir tout montré. Ce que nous certifions vray. Lequel present escrit avons signé de nos scingz et fait audit lieu de La Feuillée  le onzieme jour d’aoust mil cinq cent quatre vingt et seize. Et les avons cachettez de noz armes. Ainsy signe de Lesmeleuc  Le Sueur.

De toute l’analyse qui précède il ressort clairement que le commandeur Simon d’Aubigné de Boismozé  est parjure, qu’il a dissimulé l’essentiel des possessions de la commanderie de La Feuillée. Qu’il a su préparer les points à visiter, choisir les voisins chargés de témoigner et surtout  manipuler les commissaires de Lesmeleuc et Le Sueur. L’analyse du rapport peut même laisser planer le doute sur l’impartialité des commissaires et certains points font penser qu’ils sont volontairement entrés dans le jeu du commandeur Simon d’Aubigné.

 

Sur le procès-verbal de cette visite d’améliorissement[18] à été rajouté que le  5 mai 1597 lors du chapitre provincial à Poitiers Simon d’Aubigné a présenté le procès-verbal de la visite d’améliorissement de sa commanderie de La Feuillée en 1596 et a demandé qu’une commission soit nommée pour l’analyser. François d’Appelvoisin commandeur de Villedieu et Mauléon et André Grain de Saint-Marsault sont nommés pour ce. Après analyse ils vont le déclarer bon et valable et fait selon les établissements de l’Ordre.

 

Toujours le 5 mai 1597 Simon d’Aubigné présente le procès- verbal de la visite d’améliorissement de sa commanderie du Guélian[19]. Frère Aimé de Chesne, commandeur de l’Ile-Bouchard  et Guy Tourpin, chevalier de Crisse, sont nommés à cet effet. Après étude ils font leur rapport et déclarent le procès-verbal bon et valable.

 

En 1594, en pleine guerre de la Ligue il reçoit un courrier[20] du roi Henry IV :″ Monsieur le chevallier [de Boymoze recepveur] j'ay donné le grand prieuré d'Acquitaine au chevallier de Chaze sieur de la Blanchays en consideration des bons et recommandables services qu'il a faictz a ceste couronne et de ce qu'il est des plus antiens et des mieulx meritants chevalliers de votre ordre en la province d'Acquitaine. Je desire qu'il soit receu et recogneu de tous les chevalliers et commandeurs dud[it] grand prieuré et de vous personnellement… vous advisant au reste que je ne veulx plus pour plusieurs bonnes raisons que vos d[it] chapitres se tiennent en la ville de Poictiers pendant qu'il sera occupé par mes ennemys rebellés… Sur ce je prye Dieu monsieur le chevallier vous avoir en sa saincte garde.     

 Escript a Paris le IIIIe jour d'apvril 1594 Signé Henry [IV] .

Un courrier similaire a été transmis à Aimé de Chesne en tant que procureur du prieuré d’Aquitaine. Le duo Aimé de Chesne et Simon d’Aubigné va organiser la résistance à cette injonction du roi de France[21].

Lors des réunions du chapitre ainsi que lors des assemblées générales sont reçues les demandes d’admissions dans l’Ordre des chevaliers, frères servants d’armes, frères servants chapelains, pages du grand-maitre. Les décisions sont collectives et si la demande est retenue sont désignés les commandeurs qui seront chargés d’établir les preuves de noblesse et légitimité du postulant. Sont choisis de préférence des commandeurs originaires du diocèse où est établie la famille du postulant. Les preuves de noblesse sont analysées par d’autres commandeurs désignés lors du chapitre ou assemblée provinciale qui suivent l’établissement  dudit dossier. Cette activité représente une part  non négligeable des tâches attendues des frères hospitaliers. Simon d’Aubigné du Boismozé sur la période 1590-1616 va être impliqué dans plus de dossiers de preuves de noblesse qu’il y a d’années sur cette période. Pour n’en citer qu’une, le frère Simon d’Aubigné alors commandeur de La Feuillée et le frère François Danaillolles, commandeur de Beconnaye ont été mandatés par le grand prieuré d’Aquitaine pour établir les preuves de noblesse de Lancelot Pierres du Plessy-Baudoin. Le 8 avril 1595, à Angers, ils signent  le dit procès-verbal ; la même année Lancelot Pierres du Plessis Baudoin est reçu chevalier de justice[22].

 

 

Lors du chapitre provincial du 6 mai 1591, tenu, à cause de la guerre de la Ligue, en la ville de Tours au couvent des Cordeliers, il est receveur, c'est à dire trésorier, du Grand-Prieuré d’Aquitaine. Il assurera cette fonction jusqu’au chapitre du 3 mai 1599 date à laquelle il sera remplacé dans cette fonction par le frère Christophe Jousseaulme commandeur de Moulin et Coudrie. Son action en tant que receveur du commun Trésor n’a pas été analysée. Cependant ma curiosité s’est portée vers Jehan Le Pelletier commandeur de Carentoir. Les  trois derniers commandeurs de la Feuillée ont été peu  ou pas présents personnellement sur leur commanderie à savoir Aimé de Chesne, Jean Ysoré et même Simon d’Aubigné. A chaque fois  le prieuré d’Aquitaine a sollicité Jean Le Pelletier  pour palier à leur absence notamment pour la collecte des fonds et pour l’établissement des contrats avec les fermiers généraux. Jean le Pelletier a pris parti pour le roi au cours de la guerre de la Ligue  et en représailles sa commanderie de Carentoir a été détruite en 1596 par les ligueurs. Il décède à Rennes en 1598. Simon d’Aubigné se déplace personnellement à Rennes avec l’objectif de recueillir sa dépouille. A priori le commandeur de Carentoir est décédé dans la misère et le receveur du prieuré d’Aquitaine est d’avis qu’en cas de procès avec le procureur du roi la procédure sera dommageable pour le Commun Trésor, en conséquence il demande une décharge donnant acte de sa remontrance[23]. La fonction de base du receveur est la collecte des charges ou impositions, les responsions que chaque commanderie doit verser à son prieuré afin d’assurer les besoins de l’Ordre. Une autre tâche est lors du décès d’un commandeur de recueillir pour l’Ordre les ressources produites par sa commanderie pendant la durée du mortuaire et de la vacance[24]. Lors du chapitre du du 5 mai 1597 Simon d’Aubigné déclare que la commanderie de Coudrie est à bailler à ferme au plus offrant, à la bougie… excepté les charges qu’elle doit à notre Ordre pour ses responsions et dîmes du roi… pour le temps d’un an … qui est le vacant. Vont enchérir  les frères Maurice de Lesmeleuc[25], Jehan le Sueur, commandeur de Quittay, et Rolland de Vau chevalier de la Forge. Le frère Jehan Le Sueur remporte l’enchère.

 

Lors de la réunion  du chapitre provincial de 1599 une réquisition de Simon d’Aubigné concernant le membre de Quimper nous permet de constater qu’il est toujours commandeur de la Feuillée[26]. Maurice de Lesmeleuc son remplaçant à la tête de la commanderie de la Feuillée est mentionné en tant que tel lors de la réunion du chapitre du prieuré d’Aquitaine qui a débuté le 7 mai 1601.

 

Le 2 mai 1605, lors de la réunion du chapitre provincial  Guy Joly, procureur du bailli[27] Simon d’Aubigné, présente une lettre avec la bulle du grand maître, par laquelle le bailli, à cette date commandeur de Villegast et Guélian, a été nommé procureur général du commun Trésor le 4 décembre 1604. Lors de l’assemblée provinciale du 11 juin 1607  Simon d’Aubigné informe l’assemblée qu’entre 1590 et 1591, alors qu’il était receveur du commun trésor il a  dû verser 10000 écus pour payer les décimes dûs au temporel du Clergé à Scippion Sardigny. Et qu’il a dû avancer une partie sur ses fonds propres  du fait que nombre de commandeurs n’avaient pas versés leur part. Il réclame une commission pour contraindre par toutes les voies les commandeurs qui n’ont pas payé et qu’ils aient à les payer audit d’Aubigné qui les a payés au roi. Lors du chapitre du 5 mai 1608  Simon d’Aubigné réitère sa demande d’un exécutoire contre les commandeurs débiteurs.

Le 11 novembre 1613 on découvre le bailli Simon d’Aubigné toujours à la tête de ses commanderies de Villegast et Guélian pour lesquelles il demande la nomination d’une commission pour vérifier les améliorissements qu’il y a réalisés. Ladite commission lui est accordée  et le 5 mai 1614 lors du chapitre provincial le procès-verbal des améliorissements de Villegast  est analysé par le chevalier de Barlot, commandeur de Saint-Rémy, qui les déclare bonnes et valables ; il est cependant à noter que lors de ce chapitre, ainsi que dans les réunions suivantes il n’est nullement fait état d’une éventuelle visite d’améliorissement de la commanderie du Guélian. Il est probable que cette visite n’a pas été réalisée, et ce du fait que le commandeur ne pouvait prouver la réalisation de travaux suffisants  depuis le commission qu’il avait obtenue le 4 mai 1598 pour informer de la ruine et ravages qui ont eté faits durant la guerre de la Ligue sur sa commanderie du Guélian.

La carrière de ce chevalier est un exemple de réseau d’influence et de lutte de pouvoir. Selon les statuts de l’Ordre, les promotions se font à l’ancienneté. Cela conduit fréquemment à des choix préjudiciables à l’Ordre. En  1616  le grand prieur de Champagne, Philibert de Foissy Chamesson, décède. Simon d’Aubigné de Boismozé est le chevalier ayant la plus grande ancienneté au sein de la Langue de France, en conséquence selon les statuts de l’Ordre, cette fonction doit lui revenir. Mais le conseil de l’Ordre lui préfère Jacques de Gaillarbois Marcouville, jugeant le chevalier de Boismozé ″épileptique et décrépit″ et de ce fait inapte pour assurer cette charge[28].  En conséquence le  2 mai 1616  le frère Jacques de Gaillarbois est  promu à la tête du prieuré de Champagne[29]. Simon d’Aubigné n’accepte pas cette décision.

Dans un premier temps il décide de faire appel auprès des autorités judicières du royaume. Lors d’une réunion extraordinaire le dernier jour de décembre 1616  à Poitiers[30] Urbain de La Salle de Lescoublière au nom de l’illustre très cher  frère le bailly d’Aubigné, commandeur du Guélian. Ledit frère le bailly est en contention et débat avec le commandeur du Sommereux, frère Jacques de Gaillarbois, pour le prieuré de Champaigne ; sur les provisions et busles qu’en auroict obtenues à Malte, ledit sieur  de Gaillarbois, au préjudice de l’ancienneté capacité et bien mœurs dudit sieur bailly d’Aubigné. Et que pour le fortifier et assister en son bon droit il luy est requis avoir procuration des commandeurs, chevaliers de ce prieuré  pour déclarer et maintenir avec luy contre les commandeurs et chevaliers des prieurés de France et de Champaigne. Que les preuves et dignités sont communes entre lesdits prieurés et au prieuré d’Aquitaine. Requis luy estre ladite procuration donnée et consantie pour serbvir audit sieur bailly aux requestes du Pallais à Paris et cour et Parlement au cas que les seigneurs dudict  prieurés de France et Champaigne interviennent pour ledict sieur de Gaillarbois à qui luy a esté concédé et accordé par ladicte assemblée.

Quatre mois plus tard le bailli Simon d’Aubigné de Boismozé décide d’intervenir à plus haut niveau et de faire appel à la Rote, tribunal du Saint-Siège apte à juger en appel les sentences rendues par les officialités et en première instance les affaires réservées au pape. Aussi il intervient le premier mai 1617 lors de la réunion du chapitre provincial  à Poitiers[31] . Le compte rendu suivant en a été conservé : A esté remonstré de la part du très cher frère le Bailly d’Aubigné commandeur du Guélian et Villegast  que ledit sieur Bailly est en contestation et débat avec le commandeur de Sommereux frère Jacques du Gaillarbois pour le prieuré de Champaigne sur les provisions et busles qu’en auroict obtenues à Malte le dict Gaillarbois au préjudice de l’antienneté, capacité et bien vivance dudict sieur bailly d’Aubigné. Et que pour la fortifier et assister en son bon droict il luy est requis avoir procuration des commandeurs et chevaliers de ce prieuré  pour déclarer et maintenir avec luy contre ces commandeurs et chevaliers des prieurés de France et de Champaigne. Que les preuves et dignités sont communes entre iceux prieurés et au prieuré d’Acquitaine. Requier ladicte procuration luy estre donnée et consantie pour donner audict bailly en la cour de la Rotte de Rome au cas que les seigneurs desditz prieurés de France et Champaigne interviennent pour ledict de Gaillarbois. Ce qui luy a esté accordé et conbcédé par ledict chappitre.

Le tribunal du Saint-Siège va, le 3 juillet 1619, casser la décision de l’Ordre, et malgré sa résistance l’Ordre va devoir installer le chevalier de Boismozé à la tête du prieuré de Champagne[32]. Les promotions aux dignités de la Langue de France attribuées depuis le 26 avril  1616 sont annulées avec les graves bouleversements qui s’en suivirent pour la Religion.

 

Le grand prieur d’Aquitaine, Simon Cheminé de Boisbenet décède[33] entre le 6 mai 1619, date de la réunion du chapitre provincial à Poitiers où il est déclaré absent, et le 21 mai 1619 date à laquelle est promu[34] son successeur à la tête du prieuré d’Aquitaine à savoir  Jacques de Gaillarbois Marcouville. Ce juste retour des choses permet de dénouer cette crise.

 

Le 2 mai 1622 lors du chapitre provincial du prieuré d’Aquitaine tenu à Poitiers sous la présidence de Pierre Viaud, commandeur d’Amboise, comme le plus ancien en l’absence du grand prieur Jacques Gaillarbois Marcouville, Maurice de Lesmeleuc commandeur de Saint Rémy présente à la réunion du Chapitre une lettre émanant du grand maître de l’Ordre. Le conseil à Malte a, le 27 novembre 1621, condamné le grand prieur d’Aquitaine, Jacques de Gaillarbois Marcouville, à verser entre les mains du receveur 15000 livres dues à Simon d’Aubigné, de son vivant grand prieur de Champagne. Il apparait donc que les commandeurs du prieuré d’Aquitaine  n’ont pas  remboursé l’avance faite par Simon d’Aubigné entre  1590 et 1591 et ce malgré les exécutoires obtenus en 1607 et 1608. Le prieuré de Champagne à qui reviennent de droit les biens  de Simon d’Aubigné après son décès (sa dépouille), cherche à récupérer les dettes qu’avait le prieuré d’Aquitaine envers Simon d’Aubigné. En réalité il ne s’agit pas encore de l’épilogue de cette affaire de dette et dépouille. En effet 25 années plus tard, le 7 mai 1646, François de Boisbaudry de Tran, commandeur du Temple d’Angers, lors de la réunion du chapitre, présente une bulle du grand maître de l’Ordre, par laquelle il est chargé de la recette du prieuré d’Aquitaine. Il assure à compter de ce jour la charge de receveur  du commun trésor à la place du frère René du Bailleul, commandeur de l’Hôpital Ancien d’Angers.  Peu de temps plus tard René du Bailleul, lors de l’assemblée provinciale du 22 juillet 1646 présente les comptes de sa dernière recette  et remet  officiellement à François de Boisbaudry l’ensemble des documents, titres, papiers, obligations, cédules, éléments concernant les débiteurs de l’Ordre, procès en cours…accompagné de leur récapitulatif[35]. Or parmi les 187 postes de ce récapitulatif le quatorzième mentionne : qu’il y a un procès pendant à la cour du Parlement que poursuit la Dame de Boismozé prétendant lui être du sur la  dépouille[36] du frère Jacques de Gaillarbois Marcouville la somme de 15000 livres, comme curatrice du défunt Monsieur Simon d’Aubigné de Boismozé, son frère. Que le procès est entre les mains de Monsieur Mercier procureur au Parlement dont Monsieur Cluzaux est informé. Il s’avère ainsi que les montants avancés en 1590 et 1591 par Simon d’Aubigné ne provenaient pas de ses fonds propres mais qu’il les avait empruntés à sa famille. Il reste que l’épilogue final de cette longue procédure est encore à découvrir.

 

Frère Simon d’Aubigné chevalier de Boismozé, grand prieur de Champagne, décède   fin 1620 ou début 1621,  Pierre de Beaujeu, chevalier du même prieuré, le remplace à compter du 4 février 1621[37].

Pour conclure cette monographie je me permets de reprendre le commentaire que me fit lors de nos échanges  Monsieur Jean-Marc Roger[38] : il ne s’agit pas de lui jeter la pierre mais  il est clair qu’il ne donna pas à ses contemporains une haute idée des chevaliers de Malte.



[1] AD 22 H520.

[2] Communication  Jean-Marc Roger du 3/02 /2022.

[3] Procès-verbal de la visite d’améliorissement de la Feuillée de l’année 1596, AD22 H580.

[4] Réunion du chapitre provincial d’Aquitaine le 3 mai 1599, BnF 3067.

[5] Commanderie située sur le département de la Sarthe, entre Alençon et Le Mans.

[6] AD 29 ; duc de Mercoeur : gouverneur de Bretagne, puis chef des ligueurs en Bretagne ; sainte Union : nom donné au parti catholique participant à la guerre de la Ligue.

[7] BnF NAF 3067.

[8] Contrat accordé, le 20 novembre 1591, par François de Lesmeleuc commandeur de la Guerche, procureur spécial du chevalier de Boismozé et procureur général de l’ordre au prieuré d’Aquitaine à Yves de Botmeur et Noel Frémond son procureur ; source AD22 H 520 : compromis en date du 6 août 1596 entre Simon d’Aubigné de Boismozé et Yves de Botmeur.

[9] Ibid.

[10] Chanoine Moreau (1552-1617), Histoire de ce qui s’est passé en Bretagne durant les guerres de la Ligue, Saint-Brieuc, imprimerie Prud’Homme, première édition 1836, Brest.

[11] AD22 H580

[12]Petite commanderie dite des frères servants et prêtres située située en Mayenne.

[13] Siège de Morlaix en août et septembre 1594.

[14] Règle de la quévaise, ce comptage aboutit à prélever 3 gerbes sur 20.

[15] En octobre 1594.

[16] AD22 H519

[17] Le commandeur avait affirmé en sus tenir 4 fois par an des assises ou plaids généraux.

[18] AD22 H580 ; ce document est une copie ‟faite  mot à mot‟ le 2 janvier 1641  à partir de l’original conservé aux archives de la Langue de France certifié par le procureur de la dite langue Adrianus de Cintremoulines et Carolus Luchon.

[19] Registre capitulaire du prieuré d’Aquitaine 1590-1617 : BnF NAF 3067.

[20] AD86 3H1/4.

[21] Yves Le Moullec, Monographie Aimé de Chesne, juin 2021.

[22] H. de Fourmont, L’Ouest aux croisades, Nantes, tome III, 1867, p. 244.

[23] De son exposé.

[24] Mortuaire période allant de la date du décès au 30 avril suivant ; vacance : période allant de la fin du mortuaire  au 30 avril suivant.

[25] Ce chevalier succèdera à Simon d’Aubigné à la tête de la commanderie de La Feuillé.

[26] Registre capitulaire du prieuré d’Aquitaine, BnF 3607 pages 77 recto et 79 verso.

[27] Bailli : dignité se plaçant entre les commandeurs et le grand prieur, généralement obtenue à l’ancienneté.

[28] Jean Marc Roger, L’Ordre de Malte et la gestion de ses biens en France, Flaran 6, 1984, P 180.

[29] Jean Marc-Roger communication du 03/02/2022.

[30] Registre capitulaire 1590-1617 BnF NAF 3067 p197 recto.

[31] Registre capitulaire 1590-1617, BnF NAF 3067, p200 recto.

[32] Jean Marc Roger, L’Ordre de Malte et la gestion de ses biens en France, Flaran 6, 1984, P 180.

[33] Registre capitulaire  du prieuré d’Aquitaine période 1617 à 1682, BnF NAF 3068.

[34] Communication de  Jean-Marc Roger du 03/02/2022.

[35] AD86 3H1/4.

[36] Jacques de Gaillarbois Marcouville décédé entre le 22 juillet 1640, date à laquelle il est déclarée absent de l’assemblée provinciale du prieuré d’Aquitaine, et le 6 mai 1641, date à laquelle il est remplacé en tant que grand prieur par Guy Tourpin Crisse.

[37] Communication de  Jean-Marc Roger du 03/02/2022.

[38] Ibid.


 

 

Armes : de gueules à 4 fusées d’argent rangées en fasce.